Les trois motions de censure à l'ordre du jour de l'Assemblée ont été rejetées

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Hemicycle 24 octobre 2022
par Soizic BONVARLETRaphaël Marchal, le Lundi 24 octobre 2022 à 19:01, mis à jour le Vendredi 6 janvier 2023 à 15:22

L'Assemblée nationale a examiné et rejeté, lundi 24 octobre après-midi, les deux motions de censure respectivement présentées par les groupes de la Nupes et le groupe RN, à la suite de l'usage du 49.3 par le gouvernement sur la partie recettes du projet de loi de finances. La surprise est venue du Rassemblement national qui a voté sa motion, mais aussi celle de la Nouvelle union populaire écologique et sociale. Dans la soirée, la troisième motion de censure, déposée par la Nupes après le recours au 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, a également été écartée.

Trois motions de censure rejetées et un coup de théâtre. C'est le bilan des débats qui ont eu lieu, lundi 24 octobre, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Après des informations contradictoires dans un sens, puis dans l'autre venant du Rassemblement national ces derniers jours, Marine Le Pen a créé la surprise à la tribune du Palais-Bourbon en annonçant que son groupe voterait la motion de censure "présentée en des termes acceptables" par la Nouvelle union populaire écologique et sociale. "Au Rassemblement national, nous ne craignons pas les menaces de dissolution (...) Si demain, nous devons repartir aux élections, nous y sommes prêts !", a-t-elle aussi ajouté. 

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Des griefs qui fustigent "l'inaptitude" et "l'inaction" de l'exécutif

Présentant, par ailleurs, sa propre motion de censure, à laquelle les députés de gauche ont pour leur part catégoriquement refusé de se rallier, Marine Le Pen a dénoncé un gouvernement "inapte" "à jouer le jeu démocratique".

Cyrielle Chatelain, qui préside le groupe Ecologiste et présentait la motion de censure estampillée Nupes a, de son côté, accusé la Première ministre d'"inaction climatique", évoquant notamment les incendies estivaux, "résultat des années passées à essorer le personnel de l'ONF" (Office national des fôrets, ndlr).

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Le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, André Chassaigne, a quant à lui rendu le gouvernement responsable de "pousser [le peuple] dans les bras du fascisme, qui ne peut que s'épanouir dans de telles carabistouilles", tandis que la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, a fustigé une vision "décorative" de la démocratie nourrie, selon elle, par le gouvernement. Boris Vallaud, à la tête des députés Socialistes et apparentés, a pour sa part accusé l'exécutif de préférer "les rentiers aux travailleurs, les bourdons aux abeilles". "Les classes moyennes continueront de payer les impôts des hypers-riches, les PME ceux des multinationales", a poursuivi le député.

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La majorité défend sa cohérence et assume ses nuances

La présidente du groupe Renaissance, Aurore Bergé, a rejeté en bloc les accusations d'un "passage en force" par le biais du 49.3. Après des débats "de près de 60 heures en hémicycle" sur le premier volet du budget, la majorité a choisi "le refus du blocage et de l'enlisement pour donner un budget à la France", a fait valoir Aurore Bergé, critiquant une alliance "de circonstances" des "extrêmes" dans "le seul but de faire tomber le gouvernement". 

"55, c'est le nombre d'heures durant lesquelles nous avons examiné la première partie du budget", a également défendu le chef de file des députés Horizons, Laurent Marcangeli, estimant qu'il y avait eu une "incontestable" recherche de compromis de la part du gouvernement et de la majorité.

À la tête du groupe Démocrate, Jean-Paul Mattei (MoDem), a lui aussi apporté son soutien à Elisabeth Borne, tout en regrettant que son amendement visant à taxer davantage les "super-dividendes", "voté avec une large majorité", n'ait pas été retenu par l'exécutif. Un amendement qui avait pour but, selon lui, "de dire à certaines entreprises de grande taille : rétribuez vos actionnaires, mais n'oubliez pas les salariés".

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Elisabeth Borne évoque les "postures" du RN et de la Nupes

Après avoir fait l'inventaire des mesures de "protection" des Français impulsées par le gouvernement, dont le bouclier tarifaire, la Première ministre a, dans sa réponse aux oppositions, ironisé à propos de l'alliance de circonstances à l'initiative du RN avec la Nupes. "Est-ce un gouvernement où sur les bancs des ministres siègeraient côte à côte Madame Le Pen, Madame Panot, Madame Chatelain, Monsieur Bardella, Monsieur Vallaud et Monsieur Chassaigne que vous proposez ?", a-t-elle ainsi lancé dans l'hémicycle.

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Interrogé sur le ralliement du RN à la motion de la Nupes, Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés) a rappelé quelques minutes plus tard au micro de LCP que ce n'était pas "une nouveauté", et qu'"en 1986, le Front national avait déjà voté une motion portée par les socialistes". "Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a aucune ambiguïté de notre côté", a ajouté le député, réaffirmant que "jamais, ô grand jamais, nous ne voterons de texte porté par le Rassemblement national".

Selon l'analyse du scrutin publiée par l'Assemblée nationale, un député de La France insoumise, en la personne de Jean-Philippe Nilor, a cependant voté la motion de censure proposée par le Rassemblement national, qui a recueilli 90 suffrages. Celle à l'initiative de la Nupes en a récolté 239, soit 60 de moins que le nombre requis pour faire tomber le gouvernement. Pour être adoptée, une motion de censure doit être votée par la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale, soit 289 députés sur 577. Un nombre impossible à obtenir, compte tenu de la composition actuelle du Palais-Bourbon, sans l'appoint du groupe Les Républicains dont le président, Olivier Marleix, a indiqué qu'il ne voterait aucune des deux motions, afin de ne "pas ajouter de l'instabilité au pays."

Budget de la Sécu : une troisième motion écartée

Les Républicains n'ont d'ailleurs pas non plus apporté leurs voix à la troisième motion de censure, rejetée dans la soirée. Cette ultime motion avait été déposée par la Nupes, après l'utilisation du 49.3 par l'exécutif sur la partie recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). "Une faute et une forfaiture", pour Jérôme Guedj (Socialistes), qui a fustigé le choix de l'exécutif de recourir à la disposition constitutionnelle par deux fois en moins de 48 heures. Selon lui, le gouvernement a ainsi renoncé à sa promesse de gouverner dans la concertation. 

Contrairement à ce qu'il s'était passé quelques heures auparavant, les députés RN ont cette fois fait le choix de ne pas voter le texte de la Nupes, considérant par la voix d'Alexandre Loubet que cette seconde motion de censure de l'alliance de gauche était une "mascarade". "Nous refusons de participer à ce vote joué d'avance", a poursuivui l'élu RN, qui a dénoncé "un artifice qui n'a qu'un seul objectif : l'obstruction". Plus largement, il s'en est longuement pris aux députés LR, qualifiés de "supplétifs" de la majorité présidentielle.

Avant le vote, de cette ultime motion de la journée, la Première ministre a répondu aux différentes oppositions, les rendant responsables de l'enclenchement du 49.3. "Les conditions n'étaient pas réunies pour une discussion apaisée et constructive. Nous ne pouvions pas nous permettre la dénaturation ou le rejet de la troisième partie" du PLFSS, a affirmé Élisabeth Borne. Elle a également pris le temps de réfuter les arguments des orateurs, en les citant nommément. In fine, 30 minutes plus tard et sans suspense, la motion a recueilli 150 voix, loin des 289 requises. De fait, la partie recettes du budget de la Sécu, qui a fait l'objet du 49.3, est considérée comme adoptée. Les débats sur la suite du texte, la partie dépenses, reprendront mardi en fin d'après-midi.