Les pistes de la Cour des comptes pour rationaliser la dépense publique

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Pierre Moscovici à l'Élysée, le mardi 17 juin 2021 (AFP)
par Jason Wiels, le Vendredi 18 juin 2021 à 10:25, mis à jour le Vendredi 18 juin 2021 à 10:28

Retraites, santé, chômage, minima sociaux et logements, voici les cinq domaines dans lesquels la Cour des comptes pousse l'exécutif à agir pour "maîtriser la dépense publique"... mais pas avant 2023, une fois que l'économie française aura retrouvé son niveau d'avant-crise.

Croissance, soutenabilité, contrôle. Ce pourrait être la devise des Sages de la Cour des comptes dans leur dernier rapport, intitulé "Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise", remis en main propre mardi à Emmanuel Macron par Pierre Moscovici. 

L'exécutif avait saisi le président de la Cour des comptes en février afin de préparer l'après Covid-19. Alors que le "quoi qu'il en coûte" devrait s'éteindre progressivement jusqu'en septembre, le rapport propose de "réduire progressivement le déficit public" et "d'installer la dette publique sur une trajectoire de baisse durable" à partir de 2023, alors que ces deux indicateurs vont atteindre un record cette année, avec un déficit estimé à 9,4% et une dette à 117% du PIB.

Pierre Moscovici ne disait pas autre chose devant les députés début juin :

Tout comme le gouvernement, la Cour des comptes mise sur le retour de la croissance pour redresser des finances au rouge vif. Mais celle-ci ne suffirait pas à résorber seul le passif engendré par la crise sanitaire :

Même avec des hypothèses volontaristes, la croissance économique (...) ne permettrait pas à elle seule une décrue durable de la dette publique rapportée au PIB et devrait être accompagnée d’une politique de consolidation. Rapport de la cour des comptes

Les retraites remises sur l'ouvrage

Les sages de la rue Cambon en appelle donc à une "meilleure efficacité" des politiques publiques, et notamment cinq d'entre elles. À commencer par le dossier sensible des retraites, mis sur pause en mars 2020 par le gouvernement.

Si la Cour note qu'en 2030 "les retraites représenteraient un peu moins de 14 % du PIB, soit un niveau comparable à celui d’avant crise", elle rappelle que "le système des retraites est appelé à rester durablement en déficit". La faute avant tout à la démographie, puisque le ratio actif/retraité n’est plus que de 1,1 en moyenne pour l’ensemble des régimes de retraite, et devrait encore se tasser dans les années à venir.

Dès lors, "de nouvelles adaptations des règles de départ ou de calcul des retraites pourraient permettre de maîtriser l’évolution des dépenses", suggère-t-elle. Cela pourrait concerner "l’âge d’ouverture des droits à retraite, des conditions d’âge et de durée d’assurance pour une retraite à taux plein, des mécanismes de décote et de surcote, des règles de calcul de la pension ou de l’indexation des pensions versées".

Toutefois, si une telle réforme devait (re)voir le jour, les sages préconisent "une concertation approfondie" et "un calendrier de mise en œuvre suffisamment étalé pour en faciliter l’acceptation et permettre les adaptations nécessaires dans les entreprises". Entre les lignes, on comprend que la réforme pourrait attendre la fin des élections, après juin 2022.

Des "marges d'efficience" dans la santé

Le système de santé est aussi dans le viseur alors que la crise épidémique a creusé de manière inédite le trou de la Sécurité sociale. Plutôt que des coupes sèches, le rapport mise sur une meilleure organisation et plus de prévention.

Les synergies manqueraient notamment dans l'offre de soins : "La médecine de ville, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux restent insuffisamment coordonnés, entre eux et en leur sein", lit-on dans le rapport. Des acteurs trop nombreux, pas assez regroupés et des petites structures que les pouvoirs publics ont renoncé à fermer, "fermeture pourtant nécessaire au regard des enjeux croissants de qualité, de sécurité et de pertinence des soins".

Les sages appuient également pour une prévention plus active de trois pathologies lourdes (cancers, maladies cardiovasculaires et diabète), au "coût humain et financier considérable". Soit 41 milliards d'euros, alors que notre système de santé est "avant tout organisé autour de la médecine curative". Enfin, face à la montée régulière des arrêts de travail (maladies, accidents...), la Cour des comptes proposent que les employeurs participent davantage à la prise en charge des indemnités journalières, qui pesaient 11,7 milliards d'euros en 2019.

Encore une réforme du chômage ?

Troisième source d'économies, l'assurance-chômage. Au-delà de la réforme gouvernementale déjà actée, et dont un nouveau volet entrera en vigueur au 1er juillet, les magistrats veulent un système qui soit encore plus "contra-cyclique". Autrement dit, généreux en période de chômage élevé et beaucoup moins lors des cycles de reprise économique.

Le fonctionnement de Pôle emploi est aussi pointé du doigt, avec une "intensité des contacts entre conseillers et demandeurs d'emploi trop faible". Sans réellement proposer de solutions nouvelles, le rapport fait le constat de l'échec des politiques de l'emploi contre le chômage de longue durée et pour l'insertion des jeunes. En 2018, près d'un million d'entre eux n'étaient ni en études, ni en emploi.

Simplifier voire fusionner les minima sociaux

Faut-il fusionner le versement des minima sociaux, comme le revenu de solidarité active, l’allocation aux adultes handicapés, et l’allocation de solidarité aux personnes âgées, qui pèsent à elles trois 28 milliards d'euros par an ? Cela aurait deux avantages. Plus d'équité pour les allocataires, alors qu'il existe une "concurrence malsaine entre allocations" face au manque d'harmonisation du calcul des droits. Et plus de simplicité à terme, avec la mise en place d'un guichet unique autour de la Caisse d'allocations familiales. 

De fait, la Cour des comptes remet sur le devant de la scène l'idée, pour l'instant mise de côté, d'un revenu universel d'activité (RUA), promis en 2017 par Emmanuel Macron. 

Cinquième et dernier point, la politique de logement, particulièrement dépensière par rapport à nos voisins européens, est dénoncée comme coûteuse et inefficace. Le rapport demande noir sur blanc de revoir les fondamentaux d'une politique qui date des années 1970 et qui ne répond pas aux besoins de la France des années 2020. Malgré 38,5 milliards d'euros consacrés à la question en 2019 et un maquis de 63 niches fiscales, se loger n'a jamais été aussi cher qu'aujourd'hui : les ménages y consacrent 29% de leur revenu aujourd'hui, contre 12% en 1960.