Les députés valident en commission la privatisation des aéroports franciliens

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Piste de décollage à l’aéroport de Roissy, le 18 février 2019 (Éric Piermont / AFP)
Piste de décollage à l’aéroport de Roissy, le 18 février 2019 (Éric Piermont / AFP)
par Jason Wiels, le Mercredi 6 mars 2019 à 10:17, mis à jour le Mercredi 18 mars 2020 à 15:04

Point très controversé du projet de loi Pacte, la privatisation du groupe ADP qui gère les aéroports de Roissy et d'Orly, a été longuement discutée en commission en deuxième lecture. Les dispositions supprimées par les sénateurs ont été rétablies par la majorité. L'opposition de droite comme celle de gauche ont tenté de faire barrage.

L'essentiel

Malgré la vigueur des oppositions, la majorité a rétabli les articles clés supprimés par les sénateurs en première lecture. L'Assemblée prépare ainsi le terrain à la vente des parts que détient majoritairement l'État dans le groupe ADP. En réponse aux craintes de certains élus, Bruno Le Maire a promis des garanties supplémentaires contre les nuisances sonores après la privatisation. Il a aussi assuré que les jeux n'étaient pas joués d'avance pour le groupe Vinci, donné favori dans le rachat du groupe ADP.

Le résumé des enjeux

Absente du programme du candidat Emmanuel Macron, une vague de privatisation est prévue par le gouvernement au sein du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte). Elle concerne la vente des parts de l'État dans les groupes Aéroports de Paris (ADP), Française des Jeux et Engie. La privatisation d'ADP, dont la valeur boursière totale représentait 16,1 milliards d'euros en janvier, est la plus contestée. La part de l'État, qui dispose de 50,6% du capital, est valorisée à 8,2 milliards d'euros minimum.

Les arguments mis en avant par l'exécutif sont la création d'un fonds pour l'innovation abondé par le produit de ces cessions et le remboursement d'une fraction de la dette publique. Le désengagement de la puissance publique au nom de la "réorientation stratégique" du rôle de l'État est aussi avancé.

Les sénateurs, qui ont rejeté en bloc les privatisations en première lecture, et la plupart des groupes d'opposition de l'Assemblée nationale sont farouchement opposés au projet du gouvernement. Ils ne comprennent pas la volonté de vendre les actifs du géant français, deuxième groupe aéroportuaire mondial derrière l'espagnol AENA.

Surtout, ADP constitue une véritable manne pour le budget national. Sur la période 2011-2017, l'État a perçu 854 millions d'euros de dividendes, dont 173,4 millions d'euros en 2017. Depuis 10 ans, le taux de rentabilité du groupe "s'est montré relativement stable et a presque toujours été supérieur aux taux moyens des sociétés du CAC 40, tout comme à celui des autres participations de l'État", note le rapport de la commission spéciale du Sénat.

Dans le détail, la privatisation d'ADP passerait par une cession d'actifs pour une durée de 70 ans. En 2089, l'État redeviendrait propriétaire des biens d'ADP. Une indemnisation "juste et préalable" des futurs actionnaires devra avoir lieu, au moment de la vente et lors de l'expropriation. Les montants dépendront de la valorisation du groupe. Auditionné par les députés l'été dernier, le patron d'ADP Augustin de Romanet a tenté de les rassurer : "Si la privatisation n'était pas bonne, je ne me priverais pas de le dire."

Les principaux échanges de la commission spéciale

Les oppositions font cause commune contre la privatisation

Le sujet est tellement épineux que, chose rare, la présidente de la commission spéciale propose de ne pas limiter le temps de parole des orateurs de groupe. Pendant deux heures, les députés de chaque groupe d'opposition ont donc fait part de très vives réserves sur la privatisation programmée des deux aéroports parisiens.

Quand Arnaud Viala (LR) regrette que "l'équilibre budgétaire se fasse au prix de la vente des bijoux de famille", son collègue Sébastien Jumel (PCF) dit ne "toujours pas comprendre pourquoi [le gouvernement] veut tuer la poule aux œufs d'or".

Dans une autre métaphore animalière, l'ancien agriculteur Paul Molac (Libertés et Territoires) suggère au gouvernement de ne "pas brader les meilleurs éléments de son troupeau" :

La majorité en plein doute ?

Le socialiste Boris Vallaud, lui aussi opposé au projet de l'exécutif, rapporte que, en privé, certains députés LaREM ne seraient pas d'accord avec le gouvernement. Il les exhorte à se manifester au nom de l'intérêt général :

"Désendetter" et "innover"

Convaincu de la nécessité de privatiser, le rapporteur général du texte Roland Lescure (LaREM) rappelle les objectifs poursuivis :

Pour argumenter en faveur de la revente des parts de l'État, le ministre de l'Économie et des Finances estime que le rendement financier du groupe aéroportuaire est loin d'être acquis pour les prochaines années :

Un raisonnement qui, paradoxalement, n'est pas vraiment de nature à valoriser le rachat du groupe ADP auprès des investisseurs privés.

Vinci part-il favori ? Bruno Le Maire dément

François Ruffin (LFI) craint que les dés ne soient pipés d'avance dans la procédure de privatisation et que le groupe Vinci, qui détient déjà 8% d'ADP, ne sorte grand gagnant de cette opération :

Il n'en est rien selon Bruno Le Maire, qui rappelle qu'un appel d'offres sera lancé.

Les nuisances sonores bientôt encadrées par la loi

Plusieurs députés élus dans les circonscriptions des deux aéroports parisiens ont également fait part de leurs craintes sur les conséquences d'une privatisation par rapport aux nuisances sonores.

Le ministre a promis que les règles en vigueur seront inscrites dans la loi, afin de garantir leur permanence :

Les députés préparent à nouveau le terrain à la privatisation

En votant les articles 44 à 50, la commission spéciale prépare à nouveau le terrain à une privatisation du groupe ADP. Bruno Le Maire a promis de communiquer aux parlementaires le détail du cahier des charges de la vente.

Le résumé des débats en images

(Par Maïté Frémont)

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