Le passe vaccinal adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale

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Vote passe vaccinal (LCP)
par Ariel GuezSoizic BONVARLET, Maxence Kagni, Raphaël Marchal, Jason Wiels, le Vendredi 14 janvier 2022 à 15:03, mis à jour le Samedi 15 janvier 2022 à 06:52

Après une l'échec de la commission mixte paritaire entre députés et sénateurs jeudi, l'Assemblée nationale à de nouveau adopté, dans la nuit du vendredi 14 au samedi 15 janvier, le projet de loi sur le passe vaccinal, qui doit remplacer le passe sanitaire dans les prochains jours.

Après l'échec des discussions entre députés et sénateurs, le projet de loi "renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire" a retrouvé le chemin de l'Hémicycle, vendredi 14 janvier. Douze heures de débat plus tard, il a été adopté en nouvelle lecture par 185 voix contre 69 à 4 heures du matin.

Les trois forces de la majorité (LaREM, MoDem, Agir) ont voté en faveur du texte, avec l'appui critique du groupe LR, lui-même divisé sur la question (26 pour, 14 contre, 7 abstentions). Enfin, les groupes de gauche (PS, GDR, LFI), le groupe UDI et Indépendants, ainsi que le groupe Libertés et Territoires, se sont très majoritairement opposés au texte. Le Sénat reprendra samedi l'examen du texte, avant une lecture définitive attendue dimanche à l'Assemblée en cas de vote non conforme des sénateurs.

"Une seule voie"

En l'absence d'Olivier Véran, touché par le Covid-19, c'est Gabriel Attal qui a défendu les mesures portées par le projet de loi. "Notre seule voie de sortie de l'épidémie est d'atteindre la plus large couverture vaccinale possible", a assuré le porte-parole du gouvernement, assumant vouloir faire "peser la contrainte sur les non-vaccinés".

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Une fois encore, le représentant de l'Exécutif a jugé que le vaccin restait la meilleure arme pour lutter contre le Covid-19, alors que le variant Omicron est responsable d'un record de contaminations. "Si nous laissons la situation se poursuivre telle quelle, nous savons que d'ici quelques semaines (...) nous risquons de devoir reprendre les mesures restrictives de liberté", a complété Olivier Becht (Agir ensemble).

Une "déchéance de citoyenneté"

Plusieurs groupes ont réitéré leur farouche opposition à la mesure phare du projet de loi, la transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, lequel exclut le recours aux tests pour être validé. Et, en premier lieu, le groupe La France insoumise, qui a déposé sans succès une nouvelle motion de rejet préalable du texte. Sa présidente Mathilde Panot a assimilé la mesure à une "déchéance de citoyenneté".

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Très critique, Pascal Brindeau a tonné contre "l'impréparation", "l'amateurisme" et "l'arrogance" de la majorité. Pour l'élu UDI, la volonté d'Emmanuel Macron "d'emmerder" les non-vaccinés a "disqualifié" le passe vaccinal. La véritable efficacité de cette évolution a également été mise sur la table par plusieurs élus alors que la loi entrera en vigueur, selon eux, après le pic dû au variant Omicron.

La vaccination des mineurs décidée par un parent

Si le passe vaccinal ne s'appliquera pas pour les jeunes de moins de 16 ans (c'est le passe sanitaire qui leur sera demandé), les députés ont longuement débattu de la vaccination des mineurs. Car ce vendredi soir comme au début du mois de janvier, de nombreux élus de l'opposition (LFI et LR notamment) plaidaient pour supprimer l'obligation du passe vaccinal pour l'ensemble des jeunes ayant moins de 18 ans. L'argument massue, repris par Loïc Prudhomme (LFI) : les jeunes peuvent avoir le Covid, mais développent beaucoup moins de formes graves. 

En réplique, le gouvernement et la majorité ont campé sur leur position : le passe vaccinal incite à la vaccination et donc incite à se protéger contre les formes graves. "Aujourd'hui, il y a des enfants, il y a des nourrissons qui sont en réanimation", a lancé Adrien Taquet dans l'Hémicycle. "Et quand bien même il n'y en aurait qu'un, nous devrions tout faire pour éviter cette situation !" a affirmé le secrétaire d'État en charge de l'enfance et des familles, sous les applaudissements de la majorité, et sous les accusations "d'argument d'autorité" de la part de l'opposition.  Adrien Taquet a également répondu à l'insoumise Sabine Rubin, qui l'interrogeait sur le nombre de myocardites développées par des jeunes après l'injection du vaccin contre le virus : 

Par rapport à la première lecture, le texte garde un apport du Sénat sur les mineurs : en cas de désaccord entre les parents sur la vaccination de leur enfant de 5 à 11 ans, l'un d'eux pourra décider unilatéralement de le faire vacciner. Il fallait l'accord des deux parents jusqu'à présent.

La situation aux Antilles s'invite dans l'Hémicycle

Lors de la défense de plusieurs de ses amendements (non-adoptés) visant à adapter le passe vaccinal à la situation martiniquaise (le taux de vaccination est très faible sur l'île comparé à la métropole), le député GDR Jean-Philippe Nilor a dénoncé le comportement du gouvernement lors de la crise sociale qui s'est ouverte il y a quelques semaines. "On a pris cinq semaines pour nous envoyer de l'oxygène et deux jours pour nous envoyer le GIGN. Vous avez laissé pourrir la situation pour qu'on serve d'exemple", a-t-il lancé dans l'Hémicycle. 

Après l'échec de la CMP, ambiance parfois tendue 

Les conditions rocambolesques de l'échec des négociations entre députés et sénateurs dans la journée de jeudi ont également été abordées, élus Les Républicains et majorité présidentielle se renvoyant la responsabilité. Un tweet polémique du sénateur Bruno Retailleau (LR), envoyé avant la fin de la réunion, a provoqué la fin des négociations. "Vous cherchiez le moindre prétexte pour que la CMP ne soit pas conclusive", s'est agacé Ian Boucard (LR), assimilant cette décision à une manœuvre politicienne.

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Pour Éric Coquerel (LFI) comme Pascal Brindeau (UDI), cet épisode chronophage relativise l'urgence avancée par l'Exécutif dans la mise en œuvre des mesures du projet de loi. "Ubuesque", a réagi pour sa part Stéphane Peu (PCF). Plusieurs élus ont indiqué vouloir refuser de revenir en détails sur ces événements qu'ils jugent peu flatteurs pour l'image du Parlement.

Au cours de la nuit, les nombreuses piques lancées par les députés de l'opposition à ceux de la majorité (et vice-versa) ont même conduit le président de séance, Sylvain Waserman (MoDem), a calmer les esprits : "Chers collègues, les invectives qui n'ont pas d'autres objets que d'hystériser le débat n'ont pas leur place ce soir", a-t-il expliqué depuis le perchoir.

Les "vérifications" d'identité désormais possibles

Le débat s'est ravivé aussi sur la question de la vérification de l'identité. L'été dernier, le gouvernement n'avait pas donné aux responsables des lieux nécessitant un passe, comme les restaurateurs ou les gérants de salle sport, la possibilité de demander une pièce d'identité aux clients.

Mais, face au recensement de "200 000 faux passes sanitaires", l'exécutif a finalement décidé d'ouvrir cette possibilité sans la rendre toutefois obligatoire. En cas de "raisons sérieuses" de penser qu'un passe n'appartient pas à la personne qui la présente, un "document officiel" avec photo pourra être réclamé. Un "article totalement inopérant", qui risque de "crisper" les relations entre patrons et clientèle, a regretté Ian Boucard.

Pour le rapporteur Jean-Pierre Pont (LaREM), il ne s'agira que d'une simple vérification comme lorsque "vous payez par chèque, pour l'achat d'alcool ou de tabac, la prise de colis, voir un film ou pour certains tarifs". En chœur, les oppositions ont redit que ce travail de contrôle relevait d'abord et avant tout des forces de l'ordre. Mais entre "contrôler" et "vérifier" une identité, "la différence est immense", a tenté de défendre d'un point de vue juridique Laurence Vichnievsky (MoDem). Les nombreux amendements de suppression de la mesure ont été rejetés.

Les meetings politiques, avec ou sans passe

Au départ absent du texte, la possibilité pour les candidats de soumettre leurs meetings au passe vaccinal avait été proposée avec succès par Guillaume Larrivé (LR) en première lecture. Une hérésie selon La France insoumise :

Le gouvernement, qui avait exclu de recourir au passe pour encadrer la vie politique, s'est finalement rallié à ce dispositif "qui repose sur la responsabilité des organisateurs", a souligné Adrien Taquet. Guillaume Larrivé a défendu son idée, en expliquant qu'elle créera dans les prochaines semaines une "ligne de partage" entre candidats "responsables" et "irresponsables", selon qu'ils demanderont ou non à leurs sympathisants de montrer leur statut vaccinal.