L’Assemblée vote la restitution de quinze œuvres spoliées à des juifs pendant la période nazie

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La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, lors de l'annonce de la restitution des "Rosiers sous les arbres" de Gustav Klimt, le 15 mars 2021
La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, lors de l'annonce de la restitution des "Rosiers sous les arbres" de Gustav Klimt, le 15 mars 2021 (ALAIN JOCARD / AFP / POOL)
par Raphaël Marchal, le Mardi 25 janvier 2022 à 20:45, mis à jour le Mardi 25 janvier 2022 à 21:50

Les députés ont adopté à l'unanimité un projet de loi de restitution de quinze œuvres d’art, issues de collections nationales et publiques, spoliées à des juifs durant la période nazie de 1933 à 1945. Plusieurs élus se sont montrés favorables à l’édiction d’une loi-cadre, destinée à faciliter de futures procédures. Le texte doit désormais être examiné par les sénateurs.

Une longue salve d'applaudissements a accueilli l'adoption, à l'unanimité, mardi 25 janvier, du projet de loi "relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites". lors de la période nazie. "Un moment historique", s'est félicitée la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot. Les œuvres d'art appartenant à l’État, un projet de loi était nécessaire pour les restituer. Un texte "tout sauf ordinaire", a souligné la ministre, appuyant son caractère inédit.

"Des objets et des oeuvres d'art sont toujours conservés dans des collections publiques ; ils ne devraient pas l'être et n'auraient jamais dû s'y trouver", a expliqué Roselyne Bachelot. La spoliation des propriétaires a représenté la "négation de leur humanité, de leurs souvenirs, de leurs émotions", a-t-elle ajouté. Et d'appeler plus largement à ce que le parcours de l'ensemble des oeuvres d'art ayant été acquises durant cette période soit "étudié toujours davantage".

Chagall, Klimt... 

Le texte comprend la restitution de plusieurs chefs-d’œuvre. C’est le cas du Père de Marc Chagall, de Rosiers sous les arbres de Gustav Klimt, ou encore d’une toile de Maurice Utrillo. Au total, pas moins de quinze œuvres sont concernées, dont plusieurs dessins de Jean Louis Forain, Constantin Guys, Henry Monnier et Camille Roqueplan, ainsi qu’une cire de Pierre-Jules Mène. Toutes ces œuvres ont été spoliées par les nazis ou acquise par l'Etat pendant l'Occupation dans des conditons particulières compte tenu de la situation de leurs propriétaires sous le régime de Vichy. 

Le cas de la toile de Gustav Klimt est symptomatique ; acquis en toute légalité par le Musée d'Orsay en 1980, le tableau, qui figure un paysage bucolique avant-gardiste, a trôné pendant quarante ans au sein des collections françaises. Les travaux de chercheurs autrichiens ont toutefois permis de démontrer que l'ancienne propriétaire, Nora Stiasny, avait été forcée de le céder à un prix dérisoire en 1938, avant d'être déportée et assassinée en 1942. À la suite de ces révélations, Roselyne Bachelot a annoncé en mars 2021 la restitution du chef-d’œuvre aux ayants droits de Nora Stiasny.

Vers une loi-cadre ?

En commission comme lors de l'examen du texte dans l'Hémicycle, plusieurs élus ont ouvert les débats sur la construction, à terme, d'une loi-cadre de restitution d’œuvres culturelles spoliées durant la période nazie, plutôt que de textes particuliers. Cette idée n'a cependant pas fait l'unanimité. 

Partagée, la rapporteure, Fabienne Colboc (La République en marche), a reconnu que cela permettrait d'éviter que la restitution d'œuvres spoliées soit retardée en cas de calendrier parlementaire surchargé. D'un autre côté, il est selon la députée "difficile de fixer un cadre temporel, géographique", pour systématiser la procédure. De plus, le cas échéant, le vote de projets de loi spécifiques éviterait de "banaliser le geste de restitution", a-t-elle plaidé. Le président de la commission des affaires culturelles, Bruno Studer (LaREM), a lui davantage fait part de ses doutes sur la pertinence d'une loi-cadre.

Michèle Victory (Socialistes et apparentés) a souhaité une "méthode transparente" pour ne pas perdre de temps dans la restitution des biens aux ayants-droits. Un tel texte, s'il est bien "en réflexion" rue de Valois, ne pourra pas être examiné d’ici à la fin du quinquennat, a tranché Roselyne Bachelot. "Nous y viendrons", a-t-elle promis.