IVG : la proposition de loi allongeant les délais bientôt définitivement adoptée

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Service IVG hôpital
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 10 février 2022 à 15:31, mis à jour le Lundi 6 novembre 2023 à 16:36

Les députés se sont prononcés une nouvelle fois en faveur de la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement" et de sa mesure-phare qui étend les délais de 12 à 14 semaines de grossesse. Après un nouvel examen au Sénat le 16 février, le texte devrait être définitivement adopté le 23 février à l'Assemblée nationale, ouvrant la voie à sa promulgation.

S'il n'est pas achevé, le parcours législatif de la proposition de loi "visant à renforcer le droit à l'avortement" touche à sa fin. Les députés ont en effet adopté le texte, ce jeudi 10 février, avant une ultime lecture qui aura lieu dans deux semaines. Comme au cours des précédents examens, c'est l'extension de deux semaines du délai de recours à l'IVG qui a suscité le plus de débats.

Le gouvernement s'en remet à la délibération de l'Assemblée

La ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, Brigitte Bourguignon, a tenu à rappeler que l'accès à l'avortement était "loin d’être garanti pour toutes les femmes". Elle a ensuite cité l’avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), saisi par le gouvernement, et qui a indiqué qu'"il n’existe que peu, voire pas de différence entre 12 et 14 semaines de grossesse", et qu'"il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de 2 semaines".

"Le gouvernement s’en remettra ainsi à votre délibération, tout en créant les conditions pour que vos travaux puissent définitivement aboutir avant la fin de la législature", a conclu la ministre, fidèle à la position de sagesse exprimée lors des deux premières lectures.

Marie-Noëlle Battistel (Socialistes et apparentés), co-rapporteure du texte, a rappelé qu'au moins 2000 femmes n'ayant pu avorté dans les délais en France se rendaient chaque année à l'étranger pour le faire, et que "les femmes les plus vulnérables" étaient les plus exposées au risque de dépassement du temps imparti.

La députée a ensuite égrené les autres avancées prévues par le texte : "l'extension de la compétence des sages-femmes à la pratique d'une IVG par voie chirurgicale, la mise en place d'un répertoire des professionnels pratiquant l'IVG, un bilan sur l'application de la législation relative au délit d'entrave, ou encore l'amélioration de l'information des femmes sur leur droit au choix de la méthode d'IVG".

"À l’exception notable, mais néanmoins regrettable, Madame la ministre, de la suppression de la clause de conscience, l’ensemble de ces recommandations sont aujourd’hui intégrées au sein de la présente proposition de loi, contribuant ainsi à renforcer le droit à l’avortement dans notre pays, à le rendre tout simplement effectif". Si Marie-Noëlle Battistel s'est directement adressée à la ministre, c'est parce qu'adoptée en première lecture, la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG avait été rejetée en deuxième lecture, le gouvernement s'y étant dit défavorable, et la majorité s'étant divisée sur la mesure.

Si la droite, par la voix de Geneviève Levy (Les Républicains), a tenu à préciser que le débat sur ce texte visant à renforcer le droit à l'avortement n'était évidemment "pas l’occasion de revenir sur ce droit", elle a également considéré, sans surprise, que l'allongement des délais ne constituait pas une solution. "Vous vous détournez des vrais obstacles (…) en choisissant la facilité", a déclaré Geneviève Lévy, évoquant la fracture territoriale pour l'accès à l'IVG, ainsi que le défaut d'éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées.

Plusieurs députés ont par ailleurs brandi les avis de l'Académie nationale de médecine et du Collège national des gynécologues et des obstétriciens contre celui du CCNE, arguant d'un "changement de nature du geste", assorti de conséquences physiques et psychologiques plus lourdes pour une IVG dite tardive. "Moins de médecins seront prêts à pratiquer cet acte", a aussi considéré Fabien Di Filippo (Les Républicains). Des arguments qui avaient été longuement développés lors des deux précédentes lectures, et qui ont échoué à convaincre, l'allongement des délais de 12 à 14 semaine ayant été voté à une large majorité de 41 voix pour, 16 contre.

Éloge du compromis contre volonté d'aller plus loin

Albane Gaillot (non inscrite), également rapporteure du texte, a tenu à saluer "le travail transpartisan" de l’Assemblée nationale, avant d'être rejointe par Cécile Muschotti (La République en marche) qui a vanté le "compromis politique" trouvé par les députés. "Qui peut le plus, peut le moins" a-t-elle aussi ajouté. Sylvia Pinel (Libertés et Territoires) a quant elle évoqué l'extension des délais puis la suppression de la double-clause de conscience, faisant part de son sentiment que "la première mesure, [avait] été obtenue en sacrifiant la seconde". Elle a rappelé que la suppression de la clause conscience spécifique était pourtant une disposition "symbolique", n'enlevant aucun droit aux professionnels de santé qui auraient pu continuer de se saisir de leur clause dite générale pour ne pas pratiquer d'IVG.

"Rien ne justifie le maintien de cette clause aujourd’hui", a abondé Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine), qui a présenté un amendement de rétablissement de la mesure, à l'instar de Delphine Bagarry (non inscrite), Michèle Victory (Socialistes et apparentés), ou encore Clementine Autain (La France insoumise).

Le gouvernement s'est déclaré défavorable à ces amendements identiques, s'alignant, comme l'a rappelé Brigitte Bourguignon, sur l'avis du CCNE qui "considère que la clause de conscience spécifique souligne la singularité de l'acte IVG", et qui s'était déclaré favorable à son maintien. Les amendements rétablissant la mesure de suppression de la double-clause de conscience ont tous été rejetés.

Autre débat vif, celui concernant l'obligation d'un délai de réflexion de 48 heures dans le cadre d'un entretien psychosocial, obligatoire pour les mineures. Si les députés de droite sont souvent revenus sur "l'équilibre" trouvé par Simone Veil, Jean-Louis Touraine (La République en marche), a relaté à son propos : "Elle m'a clairement dit, les yeux dans les yeux, que tout ce qui avait dû être introduit, nécessité de délai de réflexion, bénéfice d'entretiens additionnels, double-clause de conscience, tout cela elle ne l'avait pas fait en fonction de ses convictions personnelles, mais simplement pour faire accepter cette loi par le versant le plus conservateur de son propre groupe politique". La mesure de suppression de ce délai a bel et bien été actée, avant l'adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Si le rejet préalable du Sénat, le 16 février prochain, ne fait pas de doute, l'adoption définitive du texte le 23 février, l'Assemblée nationale ayant le dernier mot, n'a jamais été aussi certaine.