Harcèlement scolaire : vers la création d'un nouveau délit

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par Ariel Guez, le Mercredi 24 novembre 2021 à 09:59, mis à jour le Mercredi 24 novembre 2021 à 14:17

Une proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire a été adoptée en commission des affaires culturelles mercredi 24 novembre. Ce texte, présenté par la majorité, prévoit notamment la création d'un nouveau délit pénal. "Il s'agit de poser un interdit clair", explique le rapporteur de cette proposition de loi, Erwan Balanant (MoDem).

Presqu'un an jour pour jour après avoir publié son rapport intitulé "comprendre et combattre le harcèlement scolaire", Erwan Balanant a porté, mercredi 24 novembre, devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, une proposition de loi sur ce sujet. Le député MoDem du Finistère est le premier signataire de ce texte qui s'inspire grandement des conclusions du rapport datant décembre 2020 et des 120 mesures qu'il avait proposé à l'époque. Composé de huit articles, la proposition de loi entend changer la législation relative au harcèlement scolaire, qui ne le punit pas spécifiquement, alors que 700 000 élèves sont victimes chaque année de ce phénomène, et que deux adolescentes victimes de harcèlement se sont suicidées depuis le début de l’année scolaire. Le suicide de Dinah, une adolescente de 14 ans, avait conduit Jean-Michel Blanquer à s'exprimer devant l'Assemblée. Le ministre de l'Education nationale s'était dit "ouvert à toutes les propositions."

Jusqu'à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende

La proposition de loi, présentée par les députés des trois groupes de la majorité (Modem, La République en marche et Agir ensemble) reprend notamment, à l'article 4, la mesure phare du rapport d'Erwan Balanant : modifier le code pénal pour y inscrire un délit de harcèlement scolaire. Débattu en commission, le texte a été adopté à main levée et sera examiné dans l’Hémicycle le 1er décembre. Pourquoi créer un nouveau délit ? "Je souhaite utiliser la fonction expressive du Code pénal, pour poser un interdit clair (...) Il permet de rendre aussi plus cohérente la répression du harcèlement moral en milieu scolaire", a expliqué Erwan Balanant. "Aujourd’hui, l'absence d'une qualification autonome prive d'une partie de son efficacité toute communication autour du harcèlement scolaire", a avancé le député du Finistère. 

"Le fait d'introduire un nouveau délit sans avoir des engagements fermes sur la médecine scolaire et le contenu des programmes.... (...) je crains un déséquilibre", a toutefois nuancé la communiste Elsa Faucillon, qui a défendu une suppression de l'article. La députée souligne notamment qu'un "article de loi sur le harcèlement moral, pouvant concerner le harcèlement scolaire, a été introduit dans le code pénal en 2014." "Il ne me semble pas que nous réglerons quelque chose en créant un délit spécifique", a abondé sa collègue socialiste Michèle Victory. Erwan Balanant leur a répondu en rappelant "les engagements forts" pris sur la prévention et l'accompagnement dans le reste du texte. Laetitia Avia (LaREM) est venu en soutien, soulignant qu'ajouter ce délit spécifique dans le Code pénal obligera les plateformes en ligne à agir contre le cyber-harcèlement. 

Si le texte est voté à l'identique en séance publique, les faits de harcèlement seront punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils auront causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’a entraîné aucune incapacité de travail, de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende lorsqu’ils auront causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours et de dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsqu’ils auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. "Les faits de harcèlement scolaire sont aujourd’hui insuffisamment réprimés, notamment s’ils ont provoqué le suicide de la victime", a souligné Erwan Balanant. 

Les députés n'ont pas modifié le texte pour y lister les causes du harcèlement scolaire (transphobie, racisme, etc), et ce malgré plusieurs amendements déposés par des députés de La République en marche et de l'opposition. "En ouvrant une liste, on oublie forcément quelque chose. Or, la loi doit être suffisamment large pour englober tous les cas de harcèlement scolaire", a justifié le rapporteur Erwan Balanant. 

Formation pour les personnels de l'éducation nationale

L'article 1er du texte, modifie quant à lui le Code de l'éducation qui regroupe l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans les établissements scolaires. Erwan Balanant et ses collègues veulent y inscrire le fait que "les établissements d’enseignement scolaire et supérieur publics et privés prennent les mesures appropriées visant à lutter contre le harcèlement dans le cadre scolaire et universitaire." Une disposition adoptée par les députés de la commission des affaires culturelles. 

Pour accompagner les personnels de l'éducation nationale, l'article 3 modifie lui aussi le Code de l'éducation, et prévoit qu'une offre de formation dédiée à l'identification et à la prise en charge du harcèlement scolaire soit dispensée à l'ensemble des professionnels. Michèle Victory aurait préféré que l'ensemble "des membres de la communauté éducative" soit concerné. Mais cette proposition n'a pas été approuvée par les députés en commission, le rapporteur expliquant que les parents sont aussi compris dans les "membres de la communauté éducative." Et que leur imposer une formation est impossible juridiquement. 

En revanche, les députés ont adopté un amendement de Géraldine Bannier (MoDem) qui prévoit qu'une "information sur les risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement [soit] délivrée, chaque année scolaire, aux parents d’élèves."

Des stages de responsabilisation

Enfin, L’article 6 de la proposition de loi modifie le Code pénal et le Code de procédure pénale afin de créer un stage de responsabilisation à la vie scolaire, qui pourra être "proposé comme mesure alternative aux poursuites et comme peine correctionnelle" et aura pour but de faire comprendre aux élèves harceleurs les dangers du harcèlement. Concernant le cyber-harcèlement, la proposition de loi prévoit à son article 7 l'inscription de la lutte contre la harcèlement scolaire parmi les objectifs assignés aux plateformes et aux fournisseurs d’accès, en modifiant la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.