Haine sur Internet : le débat sur l’antisémitisme s’invite dans l’examen de la proposition de loi

Actualité
par Vincent Kranen, le Jeudi 4 juillet 2019 à 01:27, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 21:17

Seule une soixantaine d'amendements sur 377 ont été examinés mercredi en séance publique pour la proposition de loi "visant à lutter contre la haine sur internet". De nombreux amendements sont venus faire dévier l'examen du texte, de la lutte contre 'l'agribashing' au débat sur l'antisémitisme et l'antisionisme.

La future obligation des plateformes numériques de retirer les "contenus haineux" d'Internet et des réseaux sociaux semble avoir intéressé de nombreux députés, quitte à essayer d'insérer dans les "contenus haineux" des thématiques plus sujettes à débat.

Définition de l'antisémitisme, antisionisme, haine contre l’État d'Israël

Quatre amendements sont notamment venus jeter le trouble dans l'hémicycle, les députés porteurs souhaitant traduire dans la loi l'engagement formulé par Emmanuel Macron de sanctionner l’antisionisme comme "une des nouvelles formes de l'antisémitisme".

Sourds aux réponses de la rapporteure et de la Garde des Sceaux, soulignant la difficulté à aborder ces sujets au sein de cette proposition de loi, les députés ont multiplié pendant plus d'une demi-heure les prises de parole. Sylvain Maillard, rédacteur d'une proposition de résolution sur l'antisémitisme, a défendu un amendement pour inclure "l’apologie de l’antisionisme" dans les contenus haineux susceptibles d'être retirés par les plateformes numériques. "On aurait dû porter en amont la proposition de résolution, c'est un choix de calendrier qui nous met dans cette situation (...) mais je crois qu'à un moment il faut un acte", expliquait Sylvain Maillard.

Une poussée des députés certainement en lien avec le retard pris par l'examen de la résolution visant à lutter contre l’antisémitisme, initialement prévue en mai, et qui devrait finalement être examinée en octobre. Le symbole d'un manque de "courage politique", a déploré le député UDI et Indépendants Meyer Habib.

L'ensemble des amendements ont été rejetés par les députés, le groupe La République en Marche, ainsi que la ministre de la Justice et la rapporteure de la proposition de loi se déclarant opposés à ces ajouts.

Les contenus négationnistes pas concernés par l'obligation de suppression des contenus haineux

Sur la soixantaine d'amendements étudiés, huit ont été adoptés par les députés. Ils instaurent la création de différents seuils pour déterminer les opérateurs concernés par l’obligation de retrait des contenus haineux, de façon à avoir un maillage plus resserré, ils consacrent la "dignité humaine" comme valeur fondamentale promue par la proposition de loi et permettent "à toute personne physique ou morale" d'adresser un signalement aux plateformes numériques.

Enfin, à la grande surprise des députés de l'opposition, la rapporteure a inclus l'apologie des crimes contre l’humanité dans "les contenus haineux", mais pas leur négation.

 

Une position de Lætitia Avia motivée par le Conseil d’État, et par le fait que l'action de nier un crime contre l'humanité ne relèverait pas en soi d'une intentionnalité mauvaise, celle-ci devant être caractérisée pour rentrer dans le champ d'application des contenus haineux.

 

"Je sais que si nous bougeons d'un iota, c'est tout qui s'effondre. Moi je suis garante de l'équilibre du Conseil d'Etat (...) ce n'est pas une question de volontarisme mais de responsabilité"Laetitia Avia, rapporteure LaREM de la proposition de loi

L'examen du texte reprendra à 15 heures jeudi dans l'hémicycle, il reste un peu plus de 300 amendements à étudier.