Gestion de la crise du Covid-19 : les associations d'élus dénoncent un "effondrement de l'État"

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AFP
par Ariel Guez, le Mercredi 28 octobre 2020 à 16:18, mis à jour le Mercredi 28 octobre 2020 à 22:17

Devant les députés, les présidents des régions, départements et maires de France sont revenus sur la gestion de la crise sanitaire dans les territoires. Ils regrettent une organisation trop centralisée de l'État et évoquent des "dysfonctionnements systémiques".

Quelques heures avant les annonces d'Emmanuel Macron, hasard du calendrier, les députés de la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de coronavirus recevaient les responsables des associations d'élus locaux. François Baroin (président de l'Association des maires de France), Dominique Bussereau (président de l'Assemblée des départements de France), et Renaud Muselier (président de Régions de France) sont revenus sur les sept derniers mois de la crise sanitaire. Très critiques, les élus ont alerté l'Assemblée nationale sur le fonctionnement "en silo" du ministère de Santé et ont prévenu que de nouvelles mesures restrictives pourraient ne pas être aussi bien acceptées qu'en mars.

Que ce soit au niveau des communes, des départements et des régions, tous ont souligné le rôle du ministère de la Santé, qui "pour la première fois a géré une crise", tandis que ce rôle revient traditionnellement au ministère de l'Intérieur, a rappelé Renaud Muselier. Selon le président de la région Paca, cette situation a entraîné de fait une diminution du rôle des préfets (présence de l'exécutif dans les départements, rattachée au ministère de l'Intérieur, ndlr.) "Les préfets sont habitués à gérer les crises. Là ils étaient complètement hors-jeu", a abondé Dominique Bussereau.

"Les ARS ont été en-dessous du niveau de la mer, sauf en Ile-de-France"

Pour organiser son action, le ministère de la Santé s'est appuyé très majoritairement sur les Agences régionales de santé (ARS), une structure "très verticale" ce qui a provoqué un "sentiment d'abandon des acteurs territoriaux", a déploré Renaud Muselier. "L'ARS n'a établi aucune relation particulière avec les élus locaux ! Alors que le contexte médiatique faisait monter une véritable angoisse, les relais habituels de la population semblaient aussi sidérés et livrés à eux-mêmes que nos concitoyens. Nous avons été des élus à la manœuvre afin de ne pas laisser place ni à l'abandon, ni à la panique", raconte-t-il.

François Baroin, maire de Troyes, est longuement revenu sur les positions des dirigeants de l'ARS Grand-Est, qui, au cœur de la crise, "ont annoncé vouloir poursuivre les coupes budgétaires prévues au CHU de Nancy". Il s'est montré cinglant, qualifiant ces organismes de "poupées russes ultras centralisées sans lien avec les élus".

Et Dominique Bussereau d'abonder : "J'ai dit qu'il fallait aller tester les habitants dans les Ehpad, en mettant à disposition des laboratoires départementaux. Mais il nous a fallu plusieurs semaines pour obtenir qu'ils soient dans le coup. Même aujourd'hui, un grand nombre de laboratoires d'analyse volontaires n'ont pas pu faire de conventions avec l'ARS et sont incapables de participer à la politique de dépistage en raison de la mauvaise volonté de l'Etat", raconte le président de l'ADF. Il estime que "ça ne s'est pas bien passé avec le ministère de la Santé" durant la première vague. "Les ARS ont été en-dessous du niveau de la mer, sauf en Ile-de-France".

La pénurie de masque, un problème logistique 

Autre problématique soulevée par le maire de Troyes : celle de la logistique. L'exécutif clame qu'il n'y a eu aucune pénurie : "mensonge" pointe François Baroin. Dans les communes, les masques manquaient atteste-t-il.

"Qui s'occupe de la logistique ? C'est normalement la sécurité civile et le ministère de l'Intérieur", explique le maire. "Comme on est restés dans un entre-deux avec le ministère de la Santé, on a eu un écart grandissant de semaines en semaines. C'est pour ça que nous sommes nombreux à avoir dit qu'il y a eu un effondrement de l'Etat qui a été un effondrement de la logistique sur tous les territoires et aucun n'a échappé à cet effondrement", raconte-t-il.

Si la décision est prise d'un nouveau confinement, l'acceptation de la population ne sera pas la même. François Baroin, le 28 octobre 2020

Alors comment voir l'après ? Malgré les alertes et les signalements, depuis mars, "l'Etat n'a modifié qu'à la marge" son organisation, a regretté Renaud Muselier.  "Seule une part de responsabilité plus grande a été confiée aux préfets. Mais aucune leçon institutionnelle de fond n'a été faite sur l'organisation de notre système de santé où le ministère de la Santé semble vouloir s'acharner à maintenir les collectivités locales le plus à l'extérieur possible", a-t-il expliqué devant les députés.  De son côté Dominique Bussereau a dit espérer que "les erreurs du printemps ne seront pas celles de l'automne."

La question de l'acceptation

Et François Baroin de prévenir, quelques heures avant l'annonce par le président de la République d'un nouveau confinement : "Si la décision est prise (...) d'un cadre général de restriction des libertés publiques, l'acceptation de la population ne sera pas la même." Pourtant le président de l'AMF rassure : il ne s'opposera pas aux mesures annoncées par le chef de l'Etat. "Je redis la grande disponibilité des maires de France pour accompagner les mesures qui seront prises, même si elles seront douloureuses (...) Ce sont les élus locaux qui seront en première ligne et qui porteront le sens de l'intérêt général."