Faut-il avoir peur des casques de réalité virtuelle ?

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par Vincent Kranen, le Jeudi 12 juillet 2018 à 16:50, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 22:02

Lors d'une réunion consacrée aux questions de bioéthique à l'Assemblée nationale, le neurologue Hervé Chneiweiss, président du comité d'éthique de l'Inserm, a pointé les risques causés par la multiplication des appareils électroniques capables de décoder l'activité cérébrale. Entre manipulation et marchandisation des données neuronales...

Un monde où les robots, les intelligences artificielles et les appareils d'immersion 3D seraient omniprésents ? Si cela paraît encore très abstrait pour la plupart d'entre nous aujourd'hui, ce n'est déjà plus le cas pour certains chercheurs préoccupés par notre avenir. Le 6 juin, devant les députés des commissions des Affaires sociales et des Lois, Hervé Chneiweiss, neurologue et président du comité d'éthique de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), a évoqué les immenses questions posées par l'émergence de ces nouvelles technologies sur l'intégrité de l'esprit humain.

"Ce qui mérite plus d'intérêt, explique-t-il, ce sont les technologies non-invasives qui se développent à un rythme important. On peut citer les casques de réalité virtuelle, mais aussi des applications sur les téléphones portables et certains casques qui recueillent le signal électroencéphalographique (l'activité électrique du cerveau, ndlr). Ce n'est pas parce que ces technologies ne sont pas invasives qu'elles ne peuvent pas avoir une influence sur la personnalité de l'individu..." D'autant que ces appareils électroniques sont la plupart du temps reliés à Internet...

"Comme ils sont connectés à Internet, ces objets ouvrent la possibilité que des individus ou des organisations, des hackers, des organisations privées - avec ou sans but lucratif - voire des agences gouvernementales, puissent suivre voire manipuler une expérience mentale individuelle"Hervé Chneiweiss, président du comité d'éthique de l'Inserm

Plus grave encore, à l'ère du big data et de la commercialisation de nos données personnelles, aucun dispositif n'encadre la lecture, le stockage et le partage des données produites par nos cerveaux et recueillies par ces nouvelles technologies. Des informations précieuses qui intéressent au plus haut point les entreprises soucieuses d'améliorer l'efficacité de leur publicité et de leur marketing grâce à l'analyse de nos cerveaux.

Quand les GAFAM réclament une réglementation sur les données du cerveau...

Le professeur Chneiweiss défend la protection de ces informations produites par les neurones des citoyens et pointe un vide juridique. "Aujourd'hui, comme ce ne sont pas des données caractéristiques de la santé, elles ne sont pas entrées [dans le cadre du Règlement général sur la protection des données, RGPD]", affirme le neurologue. Il réclame la mise en place de consentements explicites des utilisateurs sur leurs informations neuronales et demande aux députés de limiter la possibilité de vendre et de transférer ce type de données. Pour cela, il juge opportun de placer l'analyse de l'activité cérébrale au même niveau de protection que des examens médicaux.

Plus surprenant : par peur de la concurrence chinoise, les multinationales américaines du numérique (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) elles-mêmes réclament un encadrement de l'utilisation des données neuronales et des neurotechnologies. "Ils sont les premiers demandeurs aujourd'hui, tout simplement parce qu'ils voient poindre des compétiteurs qui s'appellent Alibaba ou d'autres."