Face à la deuxième vague, les députés appelés à soutenir la prorogation de l'état d'urgence sanitaire

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Des policiers patrouillent lors de la première nuit du couvre-feu à Paris, le samedi 18 octobre (Hans Lucas via AFP)
par Jason WielsSoizic BONVARLET, le Jeudi 22 octobre 2020 à 15:26, mis à jour le Jeudi 22 octobre 2020 à 19:32

Le gouvernement a défendu jeudi, en commission à l'Assemblée, son nouveau projet de loi pour proroger l'état d'urgence sanitaire et en aménager la sortie, prévue le 16 février 2021. Le texte sera discuté en séance publique, ce week-end, par les députés. 

C'est un texte court mais qui va grandement conditionner la vie du pays dans les prochains mois. Présenté mercredi en Conseil des ministres, le nouveau projet de loi sur l'état d'urgence sanitaire contient quatre articles que le gouvernement souhaite faire adopter rapidement. En effet, face à la résurgence de l'épidémie de coronavirus, l'exécutif a décrété une deuxième fois l'état d'urgence sanitaire le 17 octobre. Mais l'intervention du législateur est nécessaire pour le faire durer plus d'un mois, ce que prévoit le texte en proposant une date de sortie au 16 février 2021.

"Une hospitalisation par minute"

Devant la commission des lois de l'Assemblée, le ministre de la Santé Olivier Véran a voulu marquer les esprits en chiffrant le nombre croissant de personnes hospitalisées ces derniers jours, dont plus de 2000 sur la seule journée de mercredi :

Le ministre est donc venu chercher le soutien des députés, qui pourront par leur vote valider la stratégie de l'exécutif pour tenter de faire reculer cette nouvelle flambée du virus. Par souci d'anticipation, le gouvernement propose un texte "2-en-1" dans lequel la sortie de l'état d'urgence s'étalerait ensuite sur six semaines, jusqu'au 1er avril, période pendant laquelle des restrictions de liberté (manifestations, déplacements, réunions publiques...) pourraient toujours être prises.

Cette volonté d'écrire d'ores et déjà la suite des événements a notamment été critiquée par Bertrand Pancher (Libertés et Territoires) qui déplore que le Parlement n'ait pas été informé de la nature des annonces du Premier ministre jeudi après-midi (38 nouveaux départements sous couvre-feu, ndlr) :

De son côté, Philippe Gosselin (Les Républicains) s'étonne de ce nouveau chantier législatif qu'il estime conduit avec trop de hâte. Selon ce juriste, le gouvernement aurait pu s'appuyer sur la précédente loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire (promulguée le 9 juillet) pour prononcer le couvre-feu. Loi qui aurait d'ailleurs dû être prolongée au 1er avril par un autre texte, désormais abandonné au profit du projet de loi actuellement en discussion. 

Un couvre-feu bien accepté ?

Interrogé également par les députés, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin est venu dresser un premier bilan de six jours de couvre-feu pour 20 millions de Français. Une contrainte qui est bien acceptée dans l'ensemble selon lui :

Le ministre de l'Intérieur a également défendu la nécessité d'un cadre juridique stable pour les prochains mois afin de "donner un peu de perspective aux acteurs économiques et aux élus locaux"

Il a également évoqué la question d'un hypothétique report des élections départementales et régionales prévues en mars prochain. Une mission transpartisane confiée mercredi à l'ancien président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, doit rendre ses préconisations "dans trois semaines à un mois" afin de déminer ce sujet éminemment sensible. Devant la commission d'enquête sur la gestion de l'épidémie de Covid-19, Edouard Philippe a dit, mercredi, à quel point "un consensus politique et scientifique" était nécessaire pour changer le calendrier électoral, alors qu'en mars le premier tour des municipales avait été maintenu tandis que le second tour avait finalement été reporté face à l'évolution du contexte épidémique.

Des mesures d’exception inutiles ?

Dans la foulée des auditions des ministres de l’Intérieur et de la Santé, les députés ont examiné et approuvé en commission des lois la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février prochain, bien que l’opposition ait fait part de ses nombreuses réserves à l’occasion de la discussion générale et de l’examen des amendement déposés sur ce texte.

Faisant référence à un examen au pas de charge, Philippe Gosselin (LR) a regretté "l’état d’urgence parlementaire", avant de se prononcer sur le fond du texte : "là où nous divergeons c’est sur les moyens d’action". Il a expliqué contester au nom de son groupe "non pas l’action du gouvernement, mais le fondement juridique", considérant que le droit commun aurait suffi à instaurer les mesures nécessaires de protection des citoyens. Martine Wonner (Libertés et Territoires), a indiqué que son groupe ne voterait pas le texte : "les législations d’exception finissent toujours par entrer dans notre droit commun, pour ne plus jamais en sortir". Et le groupe "Socialistes et apparentés" a proposé par la voix de George-Pau Langevin, que la durée de prorogation de l’état d’urgence sanitaire soit ramenée à deux mois, pour une éventuelle nouvelle consultation du Parlement au-delà du 1er janvier 2021. L’amendement a été rejeté.

Le projet de loi tel qu’amendé par la commission des lois sera débattu par les députés en séance publique dès samedi matin. L’Assemblée nationale siègera si nécessaire tout le week-end pour permettre l'examen du texte. 

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