Energies renouvelables : coup d'envoi des débats à l'Assemblée, l'exécutif à la recherche d'un compromis

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Vue large du parc de centrales photovoltaïques aux Mées (Haute-Provence). Crédits : Wikipédia
par Léonard DERMARKARIANSoizic BONVARLET, le Vendredi 2 décembre 2022 à 09:00, mis à jour le Lundi 24 juillet 2023 à 16:18

Après son adoption par le Sénat, le projet de loi relatif à "l'accélération de la production d'énergies renouvelables" est examiné à partir de ce lundi 5 décembre dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Planification partant des territoires, simplification des procédures administratives, incitations à développer les énergies renouvelables sur terre et en mer... Si la nécessité d'accélérer en la matière est largement partagée, le gouvernement, faute de majorité absolue, devra parvenir à bâtir des compromis.

C'est une nouvelle étape qui s'ouvre dans le parcours législatif du projet de loi relatif à "l'accélération d'énergies renouvelables" (ENR). Après son adoption par le Sénat, puis son examen par les commissions des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale, le texte est discuté en séance publique à partir de ce lundi, 5 décembre. Pour cette première lecture par les députés, l'ordre du jour prévoit un débat de deux semaines, jusqu'au vendredi 16 décembre. 

Cet examen s'inscrit dans un contexte où la France peine à remplir ses objectifs de développement des ENR (voir ici) et où la guerre en Ukraine, ainsi que l'état du parc nucléaire, soulèvent de nombreuses questions sur la politique énergétique du pays et les conséquences de la situation actuelle pour les Français et les entreprises. Pour inverser la tendance, le gouvernement a une ambition, affirmée par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher le 21 novembre : "lever les verrous administratifs", afin de "faire de la France le premier des grands pays industriels à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles" grâce au développement des énergies bas carbone (photovoltaïque, éolien, nucléaire, hydrogène, etc.).

Planifier et simplifier le déploiement des ENR par un éventail de mesures

Concrètement, le projet de loi déploie une série de mesures réglementaires, administratives et techniques pour accélérer le développement des ENR. L'une des principales mesures concerne la mise en place de la "planification territoriale". Objectif : tendre vers la "souveraineté énergétique" tout en protégeant la biodiversité, grâce à la mobilisation des collectivités territoriales et à l'appropriation des ENR par les acteurs locaux.

Pour ce faire, les territoires sont appelés à devenir les porteurs des projets d'ENR. Ils seraient appuyés par les services administratifs de l'Etat qui instruiraient les projets grâce à la nomination de "référents territoriaux". Afin d'accélérer le déploiement des ENR, le projet de loi simplifie aussi les modalités d'examen des projets sur différents aspects ayant trait à la concertation et au cheminement administratif (évaluation environnementale, participation du public, procédure de révision).

Un autre point important du texte concerne le développement de l'énergie éolienne en mer (voir le titre III) et de l'énergie solaire. Le texte prévoit, à cet égard, de permettre le développement de l'énergie solaire par des panneaux photovoltaïques sur les toitures, sur des friches industrielles, le long des axes de communication (autoroutes, voies ferrées) et sur des parkings supérieurs à 2500 mètres carrés grâce à la pose d'ombrières photovoltaïques.

Au-delà de ces points-clés, le texte comporte diverses mesures : amélioration du partage de la valeur des ENR, développement de l'autoconsommation collective. Certaines visent notamment à objectiver les connaissances sur les énergies renouvelables (création d'un Observatoire des Energies renouvelables terrestres) et leur déploiement (rapport annuel analysant l'impact des ENR sur la biodiversité, ou encore sur les conséquences de l'agrivoltaïsme sur le foncier agricole).

Un travail en commission qui a fait émerger des convergences

En commission des affaires économiques, le travail sur le projet de loi du gouvernement, modifié par le Sénat, a permis l'adoption de presque 300 amendements provenant de tous les groupes politiques. Le gouvernement a notamment validé plusieurs amendements proposés par les députés écologistes Delphine Batho et Charles Fournier, et des socialistes Dominique Potier et Stéphane Delautrette. Les groupes Socialistes et Les Républicains ont, par ailleurs, agi de concert pour renforcer la protection des espaces naturels.

Certains points de friction demeurent néanmoins : Les Républicains font de l'avis conforme des maires sur les projets d'ENR un totem sur lequel ils ne souhaitent pas transiger ; point sur lequel ils sont rejoints par le Rassemblement national. Le groupe Écologistes, outre le regret lié au fait que le texte reste muet sur la question de la sobriété énergétique, a manifesté sa préoccupation face à de possibles "détricotages" du droit de l'environnement, ainsi que d'éventuelles entailles aux lois "Littoral" et "Montagne", crainte partagée par La France insoumise. Les députés ont ainsi repoussé en commission l'article 4 du projet de loi, visant à généraliser la "raison impérative d'intérêt public majeur" (RIIPM) pour les projets d'énergies renouvelables.

Reste également la question de l'agrivoltaïsme, dont le dispositif devrait être affiné par des amendements en séance, afin de favoriser son adoption. Le texte prévoit des mesures pour développer l'énergie solaire agrivoltaïque, à condition que son développement ne soit pas "incompatible" avec "l'exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière". Mais certains groupes politiques craignent d'éventuelles conséquences négatives : spéculation foncière, utilisation des parcelles à des fins seulement énergétiques au détriment des cultures, modifications paysagères et accélération de l'artificialisation des sols. Lors de l'examen du texte en commission, Agnès Pannier-Runacher a tenté de rassurer les députés en réaffirmant que l'objectif du projet de loi est bien de "concilier souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique".

L'abstention de certains groupes décisive ? 

Selon les rapporteurs du texte, le travail en commission a été riche et moins passionnel qu'envisagé, en particulier sur la question des éoliennes. Alors que les débats vont commencer dans l'hémicycle de l'Assemblée, des interrogations demeurent cependant sur le positionnement à venir des oppositions et sur la capacité du gouvernement à parvenir à un compromis. S'il est très peu probable que Les Républicains et le Rassemblement national soutiennent le texte, la majorité compte notamment sur un vote positif de la part des groupes Socialistes et apparentés, ainsi que Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires.

Dans ces conditions, à défaut d'un vote favorable, l'abstention éventuelle de La France insoumise, voire de la Gauche démocrate et républicaine, faciliterait l'adoption du texte. Vendredi 2 décembre, le groupe LFI a publié un communiqué critiquant "un texte bien loin de l’ambition dont le pays a besoin" et listant un certain nombre de conditions qui, si elles ne sont pas respectées, rendront impossible un vote favorable de ses députés. Alors que l'exécutif veut montrer qu'il peut obtenir des "majorités de projets" pour faire adopter ses textes, le vote du groupe Ecologistes, particulièrement attentif à ce projet de loi, sera scruté avec attention. En l'occurrence, c'est notamment la question de la préservation de la biodiversité qui pourrait jouer un rôle déterminant.