Le texte pour "protéger EDF d'un démembrement" de retour à l'Assemblée nationale

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Montage photo (licence Creative commons) de la tour Légende (à gauche) abritant le siège social d'EDF, à Puteaux (92), du Sénat (en haut à droite) et de l'Assemblée nationale (en bas à droite).
par Léonard DERMARKARIAN, le Vendredi 7 avril 2023 à 10:43, mis à jour le Mercredi 17 mai 2023 à 15:54

Adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, en février, lors de la journée d'initiative parlementaire des députés socialistes, la proposition de loi "visant à protéger EDF d'un démembrement" éventuel est de retour au Palais-Bourbon cette semaine, après avoir été sensiblement modifiée par le Sénat. 

Le va-et-vient entre les deux Chambres du Parlement de la proposition de loi visant "à protéger le groupe Electricité de France d’un démembrement" continue. Alors que le groupe EDF, opérateur historique de la production et de l'acheminement de l'électricité sur le territoire national connaît des difficultés structurelles (voir ici ou ) et que l’État, sur décision du gouvernement, est récemment remonté à plus de 90% du capital de l'énergéticien, députés et sénateurs ont voté le texte en première lecture ces dernières semaines, sans parvenir à une version identique. 

Au cœur des débats lors de la première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat : la manière dont l’État contrôle le groupe et son statut juridique. Avec une question clé : si les pouvoirs publics doivent accompagner EDF dans ses difficultés, faut-il que l’État renationalise le groupe ? Après une première navette entre les deux Chambres, le texte est de retour à l'Assemblée cette semaine pour une deuxième lecture en commission des finances. 

A l'Assemblée, la "nationalisation" d'EDF portée par la gauche adoptée

Lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Socialistes", le 9 février dernier, la proposition de loi avait électrisé la séance, les députés de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons) allant jusqu'à quitter l'hémicycle pour protester contre la tournure des débats. 

Comme nous le relations à l'époque (voir ici), les groupes de la coalition présidentielle protestaient à la fois contre le contenu du texte, menaçant selon eux le plan de reprise du capital d'EDF à 100% par le gouvernement détaillé en juillet 2022 (voir ), et contre la manière dont il était délibéré, en raison d'une présidence de la commission des finances jugée partiale au sujet du bouclier tarifaire étendu aux boulangers, artisans et petits-commerçants face à l'envolée des prix de l'énergie. 

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Les groupes de la Nupes, ainsi que les groupes "Les Républicains" et "Rassemblement national" avaient voté en faveur du texte adopté dans un hémicycle à moitié vide. Dans la version adoptée au terme de sa première lecture à l'Assemblée (disponible ici), la proposition de loi prévoyait spécifiquement la nationalisation du groupe EDF, appelé à devenir un "groupe public unifié", au capital "incessible" et "intégralement détenu par l’État."

Au Sénat, la droite refuse la nationalisation, la gauche critique un "texte dénaturé"

Dès son arrivée en commission au Palais du Luxembourg, les sénateurs ont donné une toute autre tournure au texte : le rapporteur de la proposition de loi au Sénat, Gérard Longuet (Les Républicains), s'est ainsi félicité auprès de Public Sénat d'avoir "tout changé". En commission puis en séance publique, l'article 1 prévoyant la renationalisation du groupe a notamment été supprimé, celle-ci étant jugée "inutile" par Gérard Longuet.

De même, l'incessibilité du capital d'EDF par l’État a également été écartée. Rejetant l'argument de l'irrecevabilité financière et législative invoquée par les députés de la majorité à l'Assemblée, les sénateurs ont en revanche approuvé le bouclier tarifaire en le réservant à l'ensemble des très petites entreprises et des petites communes. 

La séance a été l'occasion pour le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure, de redire que le gouvernement n'avait "pas de projet caché" concernant EDF et que le projet "Hercule" qui prévoyait la réorganisation du groupe en plusieurs entités distinctes, "[était] mort et enterré".

Les groupes de gauche du Sénat ont vivement critiqué la nouvelle version du texte contre laquelle ils ont voté. Le sénateur communiste Fabien Gay a notamment regretté les modifications votées au Palais du Luxembourg aboutissant, selon lui, à une proposition de loi "amputée de l'ambition initiale", tandis que les sénateurs socialistes ont fustigé l'attitude de la droite sénatoriale qui a "dénaturé le texte et laissé la porte ouverte à des ventes à la découpe du groupe."

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L’adoption du texte en première lecture par les deux Chambres a donc consacré une divergence stratégique : à l'Assemblée nationale, la stratégie de protection du groupe EDF est conçue via sa renationalisation, fondée sur un capital incessible et un groupe public unifié. Tel n'a pas été le choix du Sénat, en phase sur ce point avec le gouvernement, qui a considéré la reprise en main capitalistique de l’État à 100% comme suffisante pour faire face aux défis du groupe. Une stratégie ayant initialement justifiée le dépôt de la proposition de loi par le député socialiste Philippe Brun... 

Retour du texte à l'Assemblée nationale 

Après les modifications substantielles apportées par le Sénat, le texte est de retour à l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, cette semaine. La proposition de loi figure au programme de la commission des finances qui se réunira mercredi 12 avril. Puis, elle sera à l'ordre du jour de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Gauche démocrate et républicaine" qui a décidé de reprendre le texte initialement porté par le groupe "Socialistes", afin de lui permettre de poursuivre son parcours législatif.  

La journée d'initiative parlementaire du groupe GDR, au sein duquel siègent notamment les députés communistes, aura lieu le jeudi 4 mai. 

Sébastien Jumel, co-rapporteur de la proposition de loi 

Initialement portée par le député socialiste Philippe Brun, la proposition de loi sera co-rapportée en deuxième lecture par le député communiste Sébastien Jumel, qui fait partie du groupe "Gauche démocrate et républicaine" qui a décidé de reprendre le texte dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire. 

Sébastien Jumel a fait partie des membres de la commission d'enquête sur la souveraineté énergétique qui a rendu ses conclusions la semaine dernière. Par ailleurs, il avait demandé l'ouverture d'une commission d'enquête sur EDF en septembre 202 et a été le premier signataire d'une proposition de loi, déposée en janvier 2023 avec d'autres députés de la Nupes, pour de "nouveaux tarifs réglementés de l'électricité et du gaz".