Drapeaux français et européen sur le fronton des mairies : le texte Renaissance rejeté en commission

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par Soizic BONVARLET, le Mercredi 3 mai 2023 à 13:19, mis à jour le Jeudi 4 mai 2023 à 10:28

Visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies, la proposition de loi du groupe Renaissance a été rejetée lors de son examen en commission des lois, mercredi 3 mai. Jugé "inutile" par les oppositions et une partie de la majorité, le texte a été repoussé par l'adoption d'amendements de suppression de La France insoumise et du Rassemblement national.

"La politique ce sont aussi des symboles", a considéré Mathieu Lefèvre (Renaissance) lors de l'examen de sa proposition de loi "visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies". Arguant notamment que l'obligation de hisser le drapeau tricolore avait été l'objet d'initiatives législatives concernant les établissements scolaires publics et privés sous contrat, il a défendu l'idée que cette mesure puisse être appliquée aux "maisons communes républicaines" qu'incarnent les mairies.

Les oppositions dénoncent une logique d'"inflation législative"

Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a qualifié la proposition de loi Renaissance d'"opération politicienne (...) éloignée des attentes des citoyens de ce pays". "À part caresser dans le sens du poil les LR (...) quelles seraient les véritables avancées de cette proposition ?", a aussi poursuivi la députée communiste.

Le groupe Les Républicains ne s'est pourtant pas montré plus enthousiaste, Philippe Gosselin critiquant "un texte dont on peut douter de l'utilité" et une tendance de la majorité à verser dans une forme d'"inflation législative". Le député LR a fait valoir que le pavoisement du drapeau tricolore était d'ores-et-déjà appliqué "de façon coutumière", ne voyant pas de raison de faire entorse au principe de libre administration des collectivités locales.

Une "inflation normative" également évoquée par le Rassemblement national en la personne de Thomas Ménagé, quand son collègue de groupe Yoann Gillet a dénoncé dans le pavoisement du drapeau européen une forme d'attaque à l'endroit de "l'identité française".

Que faites-vous de la libre administration des collectivités territoriales garantie par notre Constitution ? Que faites-vous de l'identité française, de nos identités locales, de notre patrimoine culturel ? Yoann Gillet (Rassemblement national)

Du côté de la Nupes, si Hervé Saulignac (Socialistes) s'est inquiété d'"une dépense qui représente plusieurs milliers d’euros pour un motif somme toute assez futile", Antoine Léaument (La France insoumise) a dénoncé "une proposition de loi politicienne" visant à "détourner l'attention"

Vous êtes en train d'inventer le fil à couper le beurre (...) C'est très abaissant pour notre Assemblée nationale de discuter de cela alors que les frigos des Français sont vides. Antoine Léaument (La France insoumise)

En revanche, si le groupe Écologiste a également pu s'interroger sur un texte à l'objet "dérisoire" dans le contexte actuel, il s'y est montré favorable. Jérémie Iordanoff (Écologiste) a ainsi évoqué au travers du pavoisement du drapeau européen une manière de "prendre conscience que nos valeurs sont communes, et que nous, citoyens français, sommes également citoyens européens, que nous formons une communauté de destin".

La majorité divisée

Si le groupe Horizons, par la voix de Philippe Pradal, a vanté dans la proposition de loi un "appel républicain", et la démonstration d'une "fidélité à notre histoire et la volonté d'un avenir commun", l'autre partenaire du groupe Renaissance incarné par le MoDem s'est montré plus sceptique. Élodie Jacquier-Laforge (Démocrate) a notamment critiqué un texte ne répondant pas aux préoccupations de la population, et dont la principale mesure ne serait pas l'objet d'une quelconque demande de la part des communes. "Ce que je peux constater, de façon assez empirique, c'est que l’écrasante majorité de nos maires sont des républicains, et très rares sont les communes qui refusent ou omettent le pavoisement tricolore", a-t-elle par ailleurs déclaré, rejointe par son collègue Erwan Balanant évoquant un texte n'étant "peut-être pas le plus utile du moment".

Ce que je peux constater, de façon assez empirique, c'est que l’écrasante majorité de nos maires sont des républicains, et très rares sont les communes qui refusent ou omettent le pavoisement tricolore. Élodie Jacquier-Laforge (Démocrate)

Élodie Jacquier-Laforge a par ailleurs pointé un effet pervers potentiellement contenu dans le texte, voyant dans l'obligation de pavoiser le drapeau européen, "une occasion de plus d'honnir l'Europe". Erwan Balanant a pour sa part évoqué le risque qu'en inscrivant dans la loi une liste de deux drapeaux, d'autres soient de fait bannis des frontons des mairies, en l'occurrence les drapeaux régionaux.

Qualifiant les amendements de suppression portés à la fois par La France insoumise et le Rassemblement national comme participant d'un "projet de Frexit à tout le moins déguisé", Mathieu Lefèvre n'est pas parvenu à empêcher leur adoption. Le texte a donc été rejeté en commission des lois, mais sera de nouveau débattu en séance publique à l'occasion de la journée de l'Europe, le 9 mai prochain.