Comment les députés veulent changer le visage de l’Assemblée

Actualité
Image
Couverture : Comment les députés veulent changer le visage de l’Assemblée
par Jason Wiels, le Mercredi 13 décembre 2017 à 10:03, mis à jour le Jeudi 27 février 2020 à 17:48

Procédure parlementaire, droits de l'opposition, nombre de députés, fonctionnement de l'Assemblée... Sept groupes de travail présentent aujourd'hui les conclusions de leurs premiers travaux "pour une nouvelle assemblée nationale". LCP.fr vous récapitule les principales propositions.

577 députés, mille fonctionnaires, sans compter les collaborateurs, les prestataires et quelques traditions bien ancrées... Remettre à plat le fonctionnement de l'Assemblée, de la gestion des déchets à la fabrique de la loi, est forcément sujet à une certaine inertie.

C'est pourtant l'objectif que s'est fixé François de Rugy pour 2022, en lançant sept groupes de travail sur le fonctionnement de l'institution. Mercredi, les présidents et rapporteurs de chacune des mini-commissions ont présenté à leurs collègues leurs premières conclusions.

L'occasion de mesurer le chemin qu'il reste à parcourir... et d'échanger les premières piques.

Démocratie et numérique, le retour

Longtemps vue comme la clé pour réparer le lien entre élus et citoyen, le numérique a fait l'objet d'un rapport à part entière par les députées Paula Forteza (LREM) et Cécile Untermaier (Nouvelle Gauche).

Sans surprise, elles proposent de renforcer la participation populaire à l'élaboration de la loi, avant, pendant et même après son application.

Autre mesure forte : l’inscription dans la Constitution de la "neutralité du net", pour garantir à tous un accès égal aux contenus, quels que soient son fournisseur Internet.

Enfin, le duo souhaite baisser les seuils sur les référendum que peuvent réclamer les citoyens depuis 2009, jugés trop élevés pour être opérationnels.

>>> Le détail des propositions : La neutralité du net bientôt dans la Constitution ?

Le "verdissement" des pratiques en chantier

Coralie Dubost (LREM), présidente de l'atelier sur le développement durable, a détaillé ses dix propositions, pensées de concert avec le rapporteur MoDem Bruno Millienne.

Les mesures les plus importantes ? La mise en place d'un "audit complet" de l'Assemblée, qui serait mené par un cabinet externe. Une première dans l'histoire de l'institution, où l'auto-contrôle a toujours été la norme.

Cet audit permettrait d'obtenir un état des lieux afin de viser une "labellisation exigente" en matière de responsabilité sociale et environnementale. Coralie Dubost propose de se caler sur le label ELoGE promu par le Conseil de l'Europe, ce qui ferait de l'Assemblée d'être "la première chambre au monde" à l'obtenir.

Le premier questeur, Florian Bachelier (LREM), a approuvé la mise en place d'un audit et souhaiterait mettre l'accent sur un "diagnostic immobilier" du patrimoine de l'Assemblée. Le député avait suscité la controverse en estimant qu'il fallait remettre en cause l'achat et le réaménagement de l'Hôtel de Broglie, vendu à la Chambre basse par l'État.

>>> Lire sur le sujet : L'Assemblée bientôt évaluée comme une entreprise ?

Rugy promet ne pas être "à la remorque de l'exécutif"

Accroître ou diminuer le pouvoir législatif ? La question est revenue en boucle lors de la présentation des rapports, aussi bien dans la bouche des députés d'opposition, à gauche comme à droite.

Face aux critiques, le président de l'Assemblée ironise :

"Donc les députés que nous sommes vont travailler à affaiblir le Parlement ? Il faut quand même être un peu sérieux" François de Rugy, 13 décembre 2017

En creux se dessine le bras de fer à venir avec l'exécutif, souvent accusé de mener l'agenda des réformes sous la Ve République.

Révolution en vue sur l'élaboration de la loi ?

Jean-Luc Warsmann (UDI, Agir, Indépendants) et Jean-Michel Clément (LREM) ont rendu un épais rapport qui pourrait changer de manière assez radicale la manière de légiférer.

Le duo propose tant de renforcer les moyens de contrôle du Parlement que de limiter le recours aux amendements et de supprimer certains débats à l'apport législatif jugé faible.

Face à leurs préconisations, certains députés ont cependant critiqué le risque de débats trop vite expédiés. Mais pour Jean-Luc Warsmann, il est possible de gagner du temps dans la fabrique de la loi, tout en ayant davantage le temps pour creuser les sujets :

>>> Le détail des propositions : Les propositions décapantes des députés pour améliorer le travail parlementaire

En complément de ce rapport, l'atelier sur les moyens de contrôle et d'évaluation a également rendu ses conclusions.

Les députés Jean-Noël Barrot (MoDem) et Jean-François Éliaou (LREM) veulent notamment créer de nouvelles commissions permanentes, renforcer les pouvoirs des missions d'information, utiliser davantage le Conseil d'État et la Cour des comptes ou créer un "recours en manquement" quand le gouvernement ne prend pas les décrets d'application à temps.

>>> Le détail des propositions : Comment les députés veulent renforcer leur contrôle du gouvernement.

Un cadre nouveau pour les collaborateurs

Le député Michel Larive (LFI) préside l'atelier sur les conditions de travail des collaborateurs parlementaires. Les conclusions de son groupe, rédigées avec Jacqueline Maquet (LREM), sont "consensuelles".

Les attachés des députés réclament de longue date un véritable statut et davantage de droits, alors qu'ils font les premiers les frais des changements de majorité à l'Assemblée.

Il semblerait que leurs revendications aient été entendues. Le rapport Larive-Maquet propose notamment de "favoriser la négociation collective", avec la mise en place de vraies fiches métiers et des grilles salariales.

Les députés souhaitent également augmenter de "manière significative" l'enveloppe dédier au crédit collaborateur, afin de mieux les rémunérer ou d'en embaucher davantage. Il est actuellement de 9618 euros à partager jusqu'à 5 collaborateurs - contre 20 870 euros en Allemagne.

Le statut du député en débat

Les députés Yves Blein (LREM) et Virginie Duby-Muller (LR) ont présenté leurs dix proposions pour changer le statut (et le nombre) des parlementaires d'ici à 2022.

Autre mesure : plafonner les revenus professionnels des députés à 50% de leurs indemnités. Une façon de lutter contre les conflits d'intérêts :

Le duo n'est cependant pas tombé d'accord sur l'ensemble des préconisations, Virginie Duby-Muller estimant que certains points vont dans le sens d'un "affaiblissement du pouvoir du Parlement".

Dans la foulée de la présentation de leur rapport, Clémentine Autain (LFI) a voulu marquer son profond désaccord avec ses collègues. Mais François de Rugy lui a précisé que l'heure n'était pas encore au débat, "sous peine de passer deux heures sur chaque rapport".

>>> Le détail des propositions : Moins nombreux mais mieux équipés : des députés dressent leur portrait-robot en 2022

Rendez-vous en janvier 2018

Si elles sont reprises par leurs collègues, les mesures des sept rapports pourraient être appliquées dans les prochains mois :

Les premiers changements pourraient même se faire sentir "dès le 17 janvier", annonce le président de l'Assemblée nationale.

À lire. Le détail des rapports

Procédure législatives et droits de l'oppositon. Les propositions décapantes des députés pour améliorer le travail parlementaire

Statut des députés. Moins nombreux mais mieux équipés : des députés dressent leur portrait-robot en 2022

Démocratie numérique. La neutralité du net bientôt dans la Constitution ?

Moyens de contrôle et d'évaluation. Comment les députés veulent renforcer leur contrôle du gouvernement.