Depuis la crise sanitaire, "une arnaque sur deux passe par Internet"

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Photo d'illustration (PhotoAlto via AFP)
par Jason Wiels, le Lundi 5 juillet 2021 à 14:30, mis à jour le Mardi 6 juillet 2021 à 11:17

Un rapport parlementaire sur le suivi de la délinquance financière pointe le développement des escroqueries en ligne en 2020, jouant sur la "naïveté" ou "la peur" de la population. Des arnaques qui portent sur de petites sommes et contre lesquelles les pouvoirs publics restent encore largement démunis.

Des prix trop alléchants pour être vrais, de faux produits sanitaires, des tests en toc... L'année dernière, à la faveur de la crise sanitaire, l'imagination et la réussite des escrocs ont prospéré en jouant sur "la naïveté, la peur et la solitude" de la population. Dans leur rapport de suivi de la délinquance financière, qui fait suite à un premier état des lieux publié en 2019, Ugo Bernalicis (LFI) et Jacques Maire (LaREM) font le constat que "désormais, une arnaque sur deux passe par Internet"

Dans un contexte général de baisse des indicateurs de la délinquance, les deux députés notent que les escroqueries ont continué à augmenter : 362 700 faits déclarés selon le ministère de l'Intérieur, en légère hausse par rapport à 2019. Et ce, alors que les escroqueries plus classiques comme les falsifications et usages de chèques ou de cartes de crédit volés ont marqué un net recul, à cause des confinements.

Des arnaques qui passent entre les mailles du filet

Ce sont bien les achats en ligne, les faux ordres de virement, l'hameçonnage de données personnelles ou bancaires et les rançongiciels qui ont continué leur développement sur la toile. "Sur le haut du spectre de la délinquance financière, comme les grandes affaires de fraude fiscale, il y a eu de vrais progrès depuis plusieurs années, explique Jacques Maire. En revanche, sur le bas du spectre, on n'a pas encore trouvé la solution..."

Le député des Hauts-de-Seine estime même que le phénomène est largement sous-déclaré : "Ce sont souvent des petites sommes en jeu et, comme les banques indemnisent leurs clients, cela limite le nombre de plaintes." Dès la fin mars, le gouvernement a bien publié un guide de prévention sur les escroqueries les plus courantes, mais à part en misant sur l'éducation, les pouvoirs publics sont bien en peine d'endiguer le phénomène. 

Une "task force" de lutte contre les fraudes Covid-19 a néanmoins été créée spécialement par le service national des enquêtes du ministère de l'Économie. En tout, près de 3000 sites Internet ont été passés en revue par les agents de la répression des fraudes, conduisant à la suppression de milliers d'offres pour prix non conformes (par exemple, sur le gel et les masques) ou le blocage de sites ou d'adresses particulières (URL).

Mais les escroqueries en ligne conduisent souvent à des effets en cascade, en particulier en cas de vols de données sensibles. "Si une fausse annonce pour un appartement en location près de la mer à un prix imbattable donne lieu à une transaction et l'accès à vos papiers d'identité, alors cela peut générer des crédits frauduleux auprès de dizaines de banques", illustre par exemple Jacques Maire. Ajoutez que ces arnaques peuvent se compter en centaine par jour et concerner plusieurs juridictions en même temps, "vous voyez bien que le problème ne peut se traiter ni par la loi ni par quelques moyens supplémentaires", se désole le député.

Le commerce électronique booste la fraude à la TVA

Côté entreprise, la crise sanitaire et le généreux robinet d'aides ouvert par le gouvernement ont aussi permis "un effet d'aubaine pour les escrocs", selon le rapport.

La fraude aux finances publiques devrait donc être plus importante en 2020 et 2021 que les années précédentes. Rapport parlementaire

Exemple d'abus signifcatif, plusieurs membres d'une même famille ont été mis en examen pour soupçons de fraude au chômage partiel. Ils sont accusés d'avoir usurpé l'identité de 3600 entreprises et auraient détourné, à eux seuls, 11 millions d'euros.

À plus grande échelle, le sujet de la fraude à la TVA, qui plombe de longue date les finances de l'État de 15 à 20 milliards d'euros par an selon les estimations, s'aggrave encore avec l'explosion du commerce en ligne. Selon une enquête de la direction nationale des enquêtes fiscale menée en 2019, "98 % des entreprises" d'un échantillon de vendeurs en ligne "ne respectent pas leurs obligations d’immatriculation au regard de la TVA". Pire, les vendeurs sont de plus en plus souvent immatriculés avec une adresse commerciale chinoise, ce qui "laisse peu de chances d’aboutir aux demandes d’entraide pénale internationale".

Les rapporteurs ont eu du mal à obtenir une "estimation valable des montants esquivés", notamment à cause "des obstacles mis en place tant par le Luxembourg que l'acteur dominant du marché", à savoir Amazon. Cependant, à partir du 1er juillet, les plateformes devront tenir pendant dix ans un registre pour permettre la vérification de l'imposition des transactions, et elles seront elles-mêmes redevables de la TVA pour les transactions inférieures à 150 euros. Des dispositifs issus d'une directive européenne qui "apporteront incontestablement une amélioration, mais il reste à savoir s’ils seront à la hauteur de l’enjeu".