D'opposant méthodique à soutien critique, Éric Woerth rallie Emmanuel Macron

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Éric Woerth à la tribune de l'Assemblée nationale (AFP)
par Jason Wiels, le Mercredi 9 février 2022 à 16:35, mis à jour le Mercredi 9 février 2022 à 19:26

Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a annoncé mercredi soutenir le président de la République pour sa réélection. La volte-face de cet adhérent historique du RPR, de l'UMP puis de LR, peut paraître surprenante. Mais plusieurs signes récents annonçaient cette conversion.

Il ne prendra pas sa carte à La République en marche, mais il quitte les bancs du groupe Les Républicains. Éric Woerth, 66 ans dont trente ans de carrière politique, a annoncé mercredi, dans les colonnes du journal Le Parisien, soutenir Emmanuel Macron pour un deuxième mandat. Un ralliement de poids pour le président de la République et un soutien de moins pour Valérie Pécresse.

Président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, le député explique que ce changement de bord est "le fruit d'une longue réflexion" :

Je pense profondément qu’un second mandat d’Emmanuel Macron serait une chance pour la France, comme ça aurait été le cas pour Nicolas Sarkozy. Éric Woerth, Le Parisien, 9 février 2022

Celui qui a pris sa carte au RPR (Rassemblement pour la République) en 1981 dit ne plus adhérer au discours de sa famille politique, "qui décrit une France qui n’est pas tout à fait la mienne, une France nostalgique, recroquevillée sur elle-même". Parmi les bons points dont il crédite l'actuel locataire de l'Élysée, il cite la mise en place "d'un grand nombre de réformes" sur le travail ou les finances publiques, brossant le portrait d'un Président "sincèrement réformateur" qui "saura utiliser la liberté de [son] second mandat".

Déboulonneur en chef du Budget

Cinq ans plus tôt, il aurait été bien difficile de déceler ne serait-ce que les germes de ce futur ralliement. Réélu à l'Assemblée nationale pour la quatrième fois, Éric Woerth s'empare en 2017 de la prestigieuse présidence de la commission des finances, un poste dévolu à l'opposition. L'ancien ministre de Nicolas Sarkzoy utilise cette position pour critiquer le premier projet de loi de finances du quinquennat.

Plutôt qu'un texte de "grande rupture, c'est plutôt un Budget de petite continuité" avec François Hollande, lance-t-il alors à Bruno Le Maire, rallié dès 2017 à Emmanuel Macron. Les députés de la majorité lui reprochent alors de "sortir de son rôle" et "d'intervenir constamment dans le débat" :

Dans l'Hémicycle, le ministre de l'Économie et des Finances lui répond et lui suggère, non sans ironie, de rejoindre les rangs de la majorité. Il ne croyait alors pas si bien dire :

Éric Woerth émettra encore de nombreuses critiques sur la politique gouvernementale, de la mise en place de l'impôt à la source à la crise des Gilets jaunes. "C'est le Président lui-même qui a mis toute l'huile sur le feu", juge-t-il en décembre 2018, au pic de la crise sur les ronds-points. Chaque année, l'expert des comptes publics rappellera à la tribune le difficile rétablissement du déficit de l'État, que la crise sanitaire finira par faire exploser. 

"Le poids de la dette par habitant aura été multiplié par près de deux par rapport à celui de la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, passant de 28.000 € à 44.000 € par habitant", déplorait-il encore en octobre 2021, lors du débat sur le dernier projet de loi de finances du quinquennat.

Soutien au plan de relance et à la réponse sanitaire

Cependant, la pandémie de Covid-19 et le "quoi qu'il en coûte" furent le point de départ d'une inflexion dans les prises de position du député. Éric Woerth vote alors sans réserve les multiples correctifs budgétaires proposés par le gouvernement en 2020 et 2021, qui mettent alors l'économie française sous perfusion d'argent public.

Il annonce aussi très tôt son soutien au premier plan de relance de l'économie, annoncé en septembre 2020, qui engage 100 milliards d'euros de crédits budgétaires.

Enfin, Éric Woerth est le coauteur d'une réforme sur le débat budgétaire avec Laurent Saint-Martin (La République en marche), qui prévoit notamment l'obligation pour chaque ministère de prévoir et justifier ses dépenses sur trois ans. Un travail transpartisan qui se révèle finalement être le prélude à un rapprochement des points de vue entre l'élu de droite et le rapporteur général du budget. Ce dernier confirme d'ailleurs sur Twitter travailler depuis deux ans "main dans la main à la mise en œuvre du 'quoi qu’il en coûte' et du plan de relance" avec son collègue.

Appel à la démission

L'annonce de ce soutien a immédiatement fait réagir son ex-famille politique. "C'est tout sauf une surprise", explique à LCP Damien Abad. Le chef de file des députés LR fait part de son "amertume" face à ce départ, mais souligne que l'élu de l'Oise avait déjà pris ses distances avec le groupe "depuis plusieurs semaines".

Damien Abad demande en tout cas à Eric Woerth de quitter la présidence de la commission des finances. "C'est une question de dignité et de respect vis-à-vis de nos institutions et de ses ex-collègues LR", estime-t-il. Alors que la fin de la législature approche, le député pourrait ne pas avoir le choix. Selon le règlement de l'Assemblée nationale, "ne peut être élu à la présidence de la Commission des finances (...) qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition".