Crise du logement : des députés plaident pour durcir la fiscalité des locations touristiques meublées

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Annaïg Le Meur, Vincent Rolland et Guillaume Kasbarian
Annaïg Le Meur (Renaissance), Vincent Rolland (LR) et Guillaume Kasbarian (Renaissance)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 12 avril 2023 à 12:49, mis à jour le Jeudi 13 avril 2023 à 17:36

Un rapport parlementaire présenté à l'Assemblée nationale, mercredi 12 avril, préconise de supprimer, dans les zones tendues hors Ile-de-France et stations de ski, un abattement fiscal qui bénéficie aux locations meublées. Les auteurs du rapport souhaitent inciter les bailleurs à privilégier les locations de longue durée.

De la Bretagne au Pays basque, les manifestations pour le droit au logement se sont multipliées ces dernières années. Dans ces zones touristiques, la multiplication des résidences secondaires et des locations de courte durée participent à la montée des prix, rendant de plus en plus difficile l'accès au logement des résidents permanents.

C'est sur ce phénomène qu'on travaillé pendant cinq mois Annaïg Le Meur (Renaissance) et Vincent Rolland (Les Républicains), qui ont rendu, mercredi 12 avril, les conclusions de leur mission d'information "sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues (hors Ile-de-France)". Les deux députés ont dressé le constat d'une "crise du logement" particulièrement prégnante au sein des "zones tendues". La réalité juridique que couvre cette notion de "zone tendue" fait d'ailleurs l'objet d'un pan spécifique du rapport, les deux députés préconisant une harmonisation du périmètre retenu pour éviter certains effets de bord.

Une fiscalité moins avantageuse

Afin de remédier aux problèmes de logement observés au sein de certains territoires, les deux députés fournissent une liste de recommandations. Ils ouvrent notamment la voie à un durcissement de la fiscalité qui s'applique aux locations de meublés de tourisme classés. Actuellement, leurs propriétaires peuvent bénéficier, sous conditions, d'un abattement forfaitaire pour frais de 71 %, qui était destiné à l'origine à favoriser l'accueil des touristes en multipliant les hébergements.

Les échanges conduits pendant les auditions font apparaître une interrogation légitime sur la valorisation fiscale des meublés de tourisme au sein de zones où le logement est difficile d’accès. Rapport d'information "sur les moyens de faire baisser les prix du logement en zones tendues"

Dès lors que l'accès au logement est rendu difficile pour les résidents permanents et que l'offre d'hébergement touristique est "parfois pléthorique" au sein de ces zones tendues, les élus ont une "interrogation légitime" sur la nécessité de conserver cet abattement. D'autant plus qu'un régime fiscal favorable - à hauteur de 50 % - pourrait continuer à s'appliquer pour l'ensemble des meublés de tourisme.

À rebours, le rapport prône de déporter cet avantage fiscal en l'appliquant aux locations de longue durée, en particulier à destination de l’emploi. Il pourrait donc inciter les propriétaires-bailleurs à louer leurs logements situés en zones tendues à des actifs, en lien avec leur entreprise. Les députés proposent néanmoins d'exclure les communes situées en zones de montagne de ce dispositif, du fait de leurs spécificités.

Les propriétaires étrangers dans la ligne de mire

À lui seul, le levier fiscal ne pourra pas "faire de miracles", pointent les deux élus, qui listent une série d'autres outils à mettre en œuvre. Ils proposent ainsi de renforcer le rôle joué par les collectivités territoriales, en améliorant l'accès à l'information en matière de politique de logement ou en fortifiant des dispositifs déjà existants, mais peu appliqués.

Au-delà, les rapporteurs proposent d'entamer une réflexion sur la création d’un régime d’autorisation préalable des nouveaux investissements immobiliers en zones tendues, ciblant notamment les investisseurs étrangers désireux d'acquérir une résidence secondaire ou susceptibles de s'adonner à la spéculation immobilière. Ils préconisent également de permettre aux communes situées en zones tendues de destiner certains terrains uniquement à la construction de résidences principales.

Le rôle des plateformes numériques en question

Dans leur rapport, les deux députés relativisent le rôle joué par les plateformes numériques de location - telles qu'Airbnb ou Abritel - dans la crise du logement observée dans les zones tendues. "S’il apparaît évident que le développement, parfois excessif, des locations meublées touristiques, classées ou non, a pu avoir un effet préjudiciable sur la disponibilité des logements sur le marché privé, [...] le phénomène d’appréciation des prix et d’indisponibilité du logement a des causes multiples qui dépassent ce seul enjeu", écrivent-ils.

Les parlementaires évoquent même certains effets bénéfiques liés à l'apparition de ces nouveaux acteurs : enrichissement de l’offre, montée en gamme de la qualité des logements du parc touristique, garantie de la collecte de la taxe de séjour par les communes ayant pour conséquence une "attrition du marché de la location touristique parallèle".

Cette vision des choses a occasionné un vif désaccord entre les rapporteurs et William Martinet (La France insoumise), selon qui les plateformes numériques portent "une lourde responsabilité" dans la crise du logement actuelle. "Vous préférez noyer le poisson", a-t-il critiqué, reprochant aux rapporteurs de ne pas vouloir "s'attaquer à des multi-propriétaires qui se sont constitués en lobbies". "L'avantage avec vous, c'est qu'on n'est jamais déçu", a rétorqué Vincent Rolland, avant de revenir sur les avantages induits par l'arrivée des plateformes.