Covid-19 : les annonces d'Emmanuel Macron s'invitent dans le débat budgétaire

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Alain JOCARD / AFP
par Pierre Maurer, le Jeudi 15 octobre 2020 à 02:19, mis à jour le Vendredi 16 octobre 2020 à 14:49

L'annonce de la mise en place d'un couvre-feu dans les zones les plus touchées par l'épidémie de Covid-19 par le président de la République, a suscité la réaction de plusieurs groupes politiques, mercredi soir, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. 

Mercredi soir, dans l'hémicycle de l'Assemblée, les nouvelles mesures sanitaires décidées par Emmanuel Macron sont venues percuter le débat législatif avec quelques suspensions de séances à l'initiative des groupes de gauche alors que l'Assemblée examine cette semaine le budget de la France pour 2021.  

Suspensions de séance

La présidente du groupe Socialistes et apparentés, Valérie Rabault, a été la première à réagir en fustigeant un "défaut d’anticipation" de la part du gouvernement : "Je me souviens du Premier ministre le 27 août dernier déclarant ‘il n’y a pas de quoi s’affoler [à propos d'une reprise épidémique]’." Puis d'exprimer ses doutes sur les mesures prises par l'exécutif pour faire face à la deuxième vague de Covid-19 : "Je ne suis pas certaine que la contamination se fasse plus la nuit que dans les écoles, les entreprises ou dans les transports." La députée du Tarn-et-Garonne a donc demandé une suspension de la séance afin que "le ministre explique pourquoi il n’y a pas de recours au télétravail qui ait été demandé ce soir et qui permettrait d’éviter des concentrations, notamment dans les transports.

Cinq minutes de temps parlementaire suspendu plus tard, c'est au tour de son collègue communiste du groupe Gauche démocrate et républicaine, Stéphane Peu, de s'inquiéter du sort des cafetiers et des restaurateurs. "On vient tout à l’heure de décider de ne pas toucher à la flat tax qui permet de défiscaliser les dividendes et à côté de ça, on a des professions entières de notre pays qui vont être mises à genoux sans que rien ne soit dit sur la façon dont notre pays va se solidariser de ces professions. Je pense aux cafés-restaurants, mais pas seulement, qui vont pâtir de ce couvre feu", a déploré le député communiste de Seine-Saint-Denis qui a lui aussi demandé une nouvelle suspension de séance.

Conférence de presse du gouvernement jeudi

Le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt a alors tenté de temporiser pour permettre la reprise des débats budgétaires en annonçant que le Premier ministre, Jean Castex, tiendrait jeudi 15 octobre une conférence de presse afin de préciser la mise en œuvre des mesures annoncées par Emmanuel Macron. Le chef du gouvernement devrait être accompagné du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, de la ministre du Travail, Elisabeth Borne, et du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. "Les précisions seront donc apportées avant que le décret d’état d’urgence sanitaire entre en vigueur [samedi 17 octobre] de manière à ce que le Parlement, conformément à la lettre de la loi organique, soit informé de ces dispositions", a-t-il tenté de faire valoir. 

"Beaucoup de gens se tournent vers les parlementaires pour avoir des éléments et tous, nous avons passé la journée à dire ‘et bien attendons la parole du président de la République’", a immédiatement repris le député du groupe La France insoumise Alexis Corbière. "Ce n’est pas la conception que je me fais d’un système républicain dans lequel nous découvrons, en fonction de la volonté d’un seul homme ou d’une discussion qui a lieu uniquement au Conseil des ministres, quelque chose qui concerne beaucoup de gens. Le président de la République annonce quelque chose de très fort et les parlementaire n’en ont même pas discuté dans les minutes qui ont suivi. C’est très préoccupant", a-t-il déploré. L'élu de Seine-Saint-Denis a également réclamé que "le gouvernement et le Premier ministre viennent au plus vite devant la représentation nationale". Lui aussi souhaitait une nouvelle suspension de séance, mais celle-ci ne lui a pas été accordée, faute de délégation.

Puis, la députée du groupe Les Républicains, Véronique Louwagie, a plaidé pour bâtir un projet de loi de finances avec plusieurs hypothèses. Le président de la commission des finances, "Eric Woerth vous avait interpellé en disant qu’il faudrait faire plusieurs hypothèses pour bâtir ce Budget 2021, et je crois qu’aujourd’hui, personne ne peut être certain d’une seule hypothèse”, a déclaré l'élue de l'Orne. 

"Ne pas ajouter de la crise à la crise"

En réponse, le rapporteur général de la commission des finances, Laurent Saint-Martin (LaREM), a appelé ses collègues à poursuivre l'examen du projet de loi :

Qu’a annoncé le président de la République ce soir qui nous empêche de poursuivre l’examen du projet de loi de finance pour l’année 2021 ? Objectivement rien. Laurent Saint-Martin, le 14 octobre 2020

Même état d'esprit du côté d'Olivier Becht, président du groupe Agir ensemble qui fait partie de la majorité. “Nous sommes dans un État de droit. Et le décret qui sera pris concernant le couvre-feu est pris en vertu de dispositions que nous avons nous-mêmes votées sur l’état d’urgence sanitaire. Nous serons consultés à nouveau et nous devrons décider, ou pas, de proroger cet état d’urgence sanitaire. Donc les droits du Parlement ne sont aucunement bafoués en ce qui concerne ce décret”, a estimé le député du Haut-Rhin qui a demandé à ses collègues de l'opposition de "ne pas ajouter de la crise à la crise". 

Le ministre Olivier Dussopt s'est chargé de conclure cette séquence. "Le gouvernement, ce soir, demain, et dans les jours qui viennent respecte la loi organique qui prévoit le régime de l’état d’urgence sanitaire et respecte dans la loi organique chacune des dispositions qui visent à informer, à associer, ou à soumettre telle ou telle décision au vote des parlementaires en fonction des calendriers prévus par la loi organique", a-t-il martelé. Il a enfin pressé les députés de la “nécessité de poursuivre l’examen du PLF 2021”, pour lequel une autre loi organique “fixe un certains nombre de délais qui nous obligent. Dans la foulée, les députés ont repris l'examen du projet de loi de finances.