Covid-19 : la crise sanitaire aurait coûté 5 milliards d'euros aux assureurs

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par Jason Wiels, le Mercredi 25 novembre 2020 à 13:29, mis à jour le Jeudi 26 novembre 2020 à 09:46

Accusé de se soustraire à ses responsabilités face à la pandémie, le monde de l'assurance s'est défendu mercredi lors d'une audition à l'Assemblée nationale. Entre hausse des sinistres et "gestes commerciaux", la Fédération française de l'assurance estime avoir joué son rôle d'amortisseur.

"Il est dit dans la presse qu'on aurait fait des économies pendant la crise, qu'on aurait gagné des milliards : c'est totalement faux !" Dans une démonstration chiffrée mercredi devant la commission des Finances de l'Assemblée, Florence Lustman a voulu redorer le blason de tout un secteur. La présidente de la Fédération française de l'assurance (FFA) chiffre même à "5 milliards d'euros" le coût de la crise de la Covid-19 pour ses membres. Un coût à mettre en regard des "3,9 milliards d'euros de résultat net" engrangés par les assureurs l'année dernière (hors produits financiers).

Des sinistres globalement en hausse de 2 milliards d'euros

Pour arriver à ce chiffre, le syndicat fait les comptes des sinistres pour l'année en cours. S'il y a bien eu des gains nets pour les branches automobiles grâce à la baisse des accidents de la route (+ 1,4 milliard €) et santé (+ 500 millions €), car les consultations sont moins nombreuses, "en ajoutant les plus et les moins, l'alourdissement [net] de la charge des sinistres est de deux milliards d'euros", souligne Florance Lustman.

En cause, les risques professionnels avec la montée en flèche des arrêts de travail (- 2,6 milliards €), la prévoyance (- 850 millions €), la responsabilité civile (- 350 millions €) et l'assurance crédits (- 100 millions €), qui devraient venir lourdement grever le résultat des groupes assurantiels. 

Pour arriver au déficit de 5 milliards d'euros, la représentante du secteur met aussi en avant 2,5 milliards d'euros de "gestes commerciaux" et d'"engagements solidaires" (dont 400 millions € pour alimenter le fond de solidarité des entreprises). Elle liste par exemple des annulations de loyers, une couverture prévoyance offerte pour les affections longue durée, des commerces toujours assurés même en cas de retard de paiement et l'extension de la couverture informatique au domicile des salariés.

En ajoutant "l'explosion des impayés" depuis mars et le dédommagement des pertes pour les contrats (environ 3%) pour lesquels "le risque pandémie était couvert même si cela n'était pas rédigé comme tel", la covid-19 aurait bel et bien plombé les comptes des assureurs.

Ce sont des montants absolument considérables, à un moment on ne peut pas faire plus. Florence Lustman, le 25 novembre 2020

La menace d'une taxation supplémentaire

Le discours n'a cependant convaincu qu'à moitié les députés, y compris ceux qui sont hostiles à une hausse de la taxation du secteur. "Vous pouvez trouver injuste ce qu'on lit dans la presse, je trouve qu'il reflète le ressenti d'un certain nombre d'assurés", a objecté Laurent Saint-Martin (LaREM), qui a fait part de son agacement face aux demandes de renégociation unilatérale de certains contrats exigées depuis septembre pour exclure le risque pandémique. "Il va falloir que le secteur assurantiel accompagne de façon plus qualitative les acteurs", a-t-il insisté.

Le projet de loi de finances, toujours en discussion, fait régulièrement l'objet d'amendements pour taxer les assureurs au nom de la solidarité. En première lecture, le Sénat a même adopté une contribution exceptionnelle de 2% sur les primes des contrats d’assurance dommages. Si le rapporteur général a promis d'écarter cette disposition en nouvelle lecture du PLF 2020, il a néanmoins pris soin de rappeler que cette possibilité, estimée à 1,2 milliard d'euros et que les assureurs rejettent en bloc, était bien dans l'ère du temps...

Une proposition a minima pour assurer le risque pandémique

Florence Lustman a aussi détaillé pour la première fois le projet d'assurance pandémie présenté par la FFA à Bercy. Prenant soin de rappeler que le risque pandémique était "systémique" et qu'en tant que tel, il ne pouvait être assurable par le secteur privé seul, elle a dévoilé des contrats proposant une "couverture économique" pour ce genre d'événement exceptionnel.

Les assureurs proposent deux formules en-dessous et au-dessus de 100 000 euros de chiffre d'affaires annuel. Pour un petit bar qui cotiserait 4,20 euros par mois, l'indemnité serait de 3750 euros pour trois mois de fermeture administrative. Pour un restaurant de grande taille, la cotisation de 26 euros couvrirait jusqu'à 22 000 euros de pertes sur le même temps. Des montants plafonnés, qui n'ont pas suscité de réactions enthousiasmées chez les commissaires aux finances : "Le seul fond de solidarité, c'est 4500 euros pour trois mois pour une TPE", a ainsi rappelé Valéria Faure-Muntian (LaREM).

Surtout, ce genre de contrat ne s'appliquerait pas à la crise en cours : "De la même manière qu'on assure pas les maisons qui brûlent, [ces contrats] s'appliqueraient à une prochaine pandémie", a précisé Florence Lustman.