Bioéthique : l'Assemblée adopte l'article 1er ouvrant la PMA à toutes les femmes

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Assemblée nationale, le 7 juin 2021
par Maxence KagniSoizic BONVARLET, le Lundi 7 juin 2021 à 22:29, mis à jour le Mardi 8 juin 2021 à 20:17

Les députés ont débuté lundi 7 juin l'examen du projet de loi relatif à la bioéthique, alors que les soutiens de la "Manif pour tous" étaient de retour aux abords du Palais Bourbon. Il s'agit de la troisième lecture de ce texte à l'Assemblée après les nombreuses modifications effectuées au Sénat. L'article 1er, qui ouvre la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules, a été adopté mardi en fin de journée.

L'Assemblée nationale a adopté, mardi 8 juin, l'article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique. Ce texte, dont l'examen en nouvelle lecture, la troisième, a débuté lundi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, ouvre la PMA aux couples lesbiens et aux femmes seules. Le recours à cette technique sera remboursé par la Sécurité sociale.

Les échanges, qui ont débuté lundi soir et se sont achevés mardi en fin de journée, ont, sans surprise, opposé la droite au reste de l'hémicycle dans un débat "valeurs contre valeurs", comme l'a résumé Annie Genevard (Les Républicains). L'élue a critiqué une "loi qui ne retire rien à personne, sauf à l'enfant".

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Les députés Les Républicains ont en effet mis en cause le projet de loi, accusé de faire naître des "enfants privés de père". Selon eux, le texte risque également d'ouvrir la voie à la gestation pour autrui : "Au titre de l'égalité, un jour vous devrez répondre à la demande de la GPA (pour les couples d'hommes, ndlr)", a affirmé Annie Genevard, qui a qualifié ses collègues "d'apprentis sorciers". Agnès Thill et Valérie Six (UDI et indépendants) ont également exprimé leur opposition au texte.

"Conservatisme"

Une accusation repoussée par le rapporteur Jean-Louis Touraine (La République en marche) mais aussi par Adrien Taquet, le secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles. "L'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (PMA) sera sans incidence sur la gestation pour autrui, qui est antinomique des grands principes de bioéthique auxquels nous sommes tous attachés", a déclaré le secrétaire d'Etat.

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"Le besoin de sécurité ressenti par l'enfant n'est pas lié à la composition de la cellule familiale", a ajouté Adrien Taquet. "Aujourd'hui, des femmes se mettent en danger pour fonder une famille avec des donneurs parfois trouvés sur internet."

La majorité, par la voix de Laurent Saint-Martin (La République en marche), s'est félicitée de voir une promesse que "différents candidats avaient pris depuis neuf ans" enfin remplie : "Ce qu'Emmanuel Macron avait annoncé, nous le tenons aujourd'hui." D'autres ont été plus offensifs, comme Jean-François Mbaye (La République en marche) : en plus de citer des sondages selon lesquels les Français sont majoritairement favorables à la réforme, l'élu a dénoncé "le conservatisme très très arriéré" des opposants au texte.

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Dans la même veine, Gérard Leseul (Socialistes) a mis en cause la droite, qu'il a jugé "réactionnaire" : "Vous n'ouvrez pas les yeux sur ce qu'est la situation de notre société aujourd'hui." La députée La France insoumise Caroline Fiat a elle aussi défendu le projet de loi, affirmant que son groupe votera le texte.

Le principe de la PMA post mortem exclu

En revanche, comme lors des débats en commission, les députés ont repoussé des amendements d'Elsa Faucillon (GDR), Guillaume Chiche (non inscrit), Sylvia Pinel (Libertés et Territoires), Caroline Fiat (LFI) ou encore Laurence Vanceunebrock (La République en marche) visant à ouvrir la PMA aux hommes trans.

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L'Assemblée nationale a également rejeté la "PMA de volonté survivante", aussi nommée "PMA post mortem". Il s'agit pour une femme de poursuivre son processus de procréation médicalement assistée déjà amorcée avec des embryons préalablement conçus même si son mari est décédé. "N'obligeons pas ces femmes à avoir recours au don d'un anonyme", a plaidé, sans succès, le député La République en marche Didier Martin.

"Naître dans le deuil, je ne peux pas, moi, en tant que ministre de l'enfance et des familles, garantir que cela n'aura pas un impact sur le développement et l'épanouissement de l'enfant", a répondu Adrien Taquet.

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La méthode dite "ROPA" écartée

C'est ensuite la technique de FIV-ROPA qui a fait l'objet de la désapprobation du gouvernement. Plusieurs députés, dont Gérard Leseul (Socialistes et apparentés), et Caroline Fiat (La France insoumise), souhaitaient qu'au sein d'un couple de femmes, l'une d'entre elles puisse faire don à l'autre de ses propres ovocytes, en lieu et place de ceux d'une tierce donneuse.

Jean-Louis Touraine s'est prononcé "à titre personnel", mais pas au nom de la commission, en faveur de la mesure, qui avait été adoptée en commission spéciale lors de la deuxième lecture du texte, avant d'être rejetée en séance. Le Secrétaire d'Etat chargé de l'enfance et des familles s'est au nom du gouvernement et comme lors des précédentes lectures, opposé au principe du don dirigé d'ovocytes au sein du couple, arguant que "cette conception de la double-maternité [entrait] en contradiction avec toute la philosophie du projet de loi, selon laquelle le projet parental repose sur l'amour que l'on souhaite donner à un enfant sans que la biologie ne prime".

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"Ce qui est permis pour les couples hétéros doit l'être pour les couples de femmes", a objecté Sylvia Pinel (Libertés et Territoires), puisqu'une femme peut recevoir les spermatozoïdes de son conjoint dans le cadre d'une fécondation in vitro. L'ensemble des amendements a pourtant été rejeté.

L'examen du projet de loi se poursuit dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Les députés devraient conserver en l'état le texte adopté en commission spéciale la semaine dernière, revenant ainsi aux arbitrages trouvés en deuxième lecture à l'Assemblée alors que le projet de loi avait ensuite été largement modifié par le Sénat. En plus de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, le texte permet notamment l'autoconservation de gamètes sans raison médicale et crée un droit à l'accès aux origines pour les enfants nés de PMA.