Baisse de la TVA applicable aux cafés et restaurants : l'Assemblée rejette la proposition des Républicains

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La terrasse d'un café, à Paris, le 2 juin 2020, avec un serveur qui porte un masque. Bertrand Guay - AFP
par Maxence Kagni, le Jeudi 11 juin 2020 à 11:52, mis à jour le Jeudi 11 juin 2020 à 19:02

La majorité n'a pas souhaité voter la proposition de loi des députés Les Républicains, préférant soutenir les mesures gouvernementales, qu'elle juge "plus efficace".

Les cafés et les restaurants, ainsi que l'hébergement touristique, sont menacés par la crise et ses effets. C'est le message que les députés Les Républicains ont martelé jeudi, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.

A l'occasion de leur niche parlementaire, les députés LR ont donc tenté de faire voter un dispositif abaissant temporairement de 10 à 5,5% le taux de TVA applicable au secteur de l'hôtellerie-restauration. En vain : la proposition de loi a été rejetée, comme en commission la semaine dernière, la majorité préférant soutenir les mesures gouvernementales.

"Déjà deux suicides"

Présentée par Brigitte Kuster, la proposition de loi "visant à sauver les secteurs de l'hébergement touristique, des cafés et de la restauration" proposait d'instaurer "un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à 5,5 %" jusqu'au 31 décembre 2020.

Le but était, selon la députée de Paris, Brigitte Kuster, "de participer au sauvetage" de ces secteurs qui sont plongés "dans le rouge depuis maintenant plusieurs mois". 

La proposition de loi des Républicains voulait rendre "plus rentable la réouverture des établissements" et "soutenir un tissu de TPE fondamental pour l'économie française". Ce secteur représente près d'un million d'emplois et embauche énormément de "jeunes", la moyenne d'âge étant "d'environ 35 ans".

Une TVA à 5,5%, c'est un emploi sauvé par restaurant, c'est en moyenne 20 à 30.000 euros d'économies. Damien Abad, président du groupe LR

Brigitte Kuster a présenté des chiffres alarmants : "Avec 90% de l'activité à l'arrêt, il s'agit, avec le monde de la culture, de la partie du tissu économique le plus touché", a déploré l'élue.

"La baisse des capacités d'accueil due à la mise en oeuvre des mesures sanitaires" ainsi que "la baisse de la demande" annoncent, selon Brigitte Kuster, des temps "particulièrement difficiles". "Déjà, deux suicides sont à regretter dans la profession", a ajouté la députée LR. 

"Maintenir le fonds de solidarité"

"Il y a un constat partagé sur les difficultés que rencontre le secteur", lui a répondu le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt. "L'Etat a soutenu fortement ce secteur et continuera à le faire", a-t-il assuré.

Mais le gouvernement "ne souhaite pas moduler davantage le taux de TVA", ce qui aurait selon le secrétaire d'Etat "un coût significatif sans levier économique suffisant".

Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration bénéficie déjà d'un taux réduit de 10%, soit la moitié du taux normal, pour un coût en termes de dépenses fiscales de 4 milliards d'euros. Olivier Dussopt

Le gouvernement préfère continuer de miser sur les dispositifs qu'il a mis en place pendant la crise, à savoir le recours massif au chômage partiel mais aussi les prêts garantis par l'Etat, accordés à 50.000 entreprises du secteur.

"Nous allons maintenir le fonds de solidarité pour les entreprises du secteur hôtellerie-restauration-tourisme jusqu'à la fin de l'année 2020", a ajouté Olivier Dussopt. Le secrétaire d'Etat explique que les seuils seront rehaussés : les entreprises ayant un chiffre d'affaires allant jusqu'à 2 millions d'euros pourront y avoir recours, tout comme les entreprises ayant jusqu'à 20 salariés.

D'autres dispositifs devraient être adoptés dans les jours qui viennent, dans le cadre du nouveau projet de loi de finances rectificative :

  • Un allègement de la cotisation foncière des entreprises des secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l'évènementiel,
  • un report jusqu'au 15 décembre du paiement de la cotisation foncière des entreprises (CFE),
  • une mesure, "à la discrétion des collectivités locales", de dégrèvement de 2/3 du montant de la CFE pour les entreprises du secteur, avec compensation de l'Etat.

Les cotisations sociales patronales dues pour la période de mars à juin pourront quant à elles être "exonérées pour les entreprises du secteur hôtellerie-restauration-tourisme jusqu'à 250 salariés". De plus, un "crédit de cotisation de 20% des salaires versés depuis février accompagnera la reprise d'activité".

Selon Olivier Dussopt, cela représente, au total, 2 milliards d'euros d'aides exceptionnelles. Les collectivités locales pourront aussi exonérer la taxe de séjour au titre de l'année 2020.

"Manque d'agilité"

"Les mesures du gouvernement nous apparaissent plus à même d'apporter un soutien efficace à long terme au secteur", a estimé Sarah El Haïry (MoDem). L'élue, comme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble) et le rapporteur général du Budget, Laurent Saint-Martin (La République en Marche), a pris la parole pour expliquer l'opposition de son groupe à la proposition de loi des Républicains.

Il y a un manque d'agilité dans la baisse de la TVA qui, moi, me gêne. Laurent Saint-Martin

Le groupe Ecologie Démocratie Solidarité n'a pas non plus soutenu le texte. "La TVA est une taxe acquittée par les consommateurs", a expliqué Emilie Cariou (LaREM). L'élue s'est opposée à une mesure jugée trop générale : "Le groupe Accor n'a pas les mêmes problématiques qu'un restaurant de quartier."

Brigitte Kuster avait quelques minutes plus tôt anticipé la réponse de la majorité, saluant les mesures gouvernementales tout en estimant qu'elles seront "insuffisantes pour préserver la survie de nombre d'entreprises".

Malgré le soutien de Joaquim Pueyo (Socialistes), de Jeanine Dubié (Libertés et Territoires), de Stéphane Peu (PCF), de Sébastien Chenu (RN) ou encore de Pascal Brindeau (UDI), le texte a donc été rejeté.

Lors des débats, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale, Damien Abad, a par ailleurs interpellé le gouvernement, lui demandant de ne pas attendre le 22 juin pour ouvrir totalement les restaurants en Ile-de-France.