Violences conjugales : mieux protéger les victimes de leurs conjoints violents

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Couverture : Violences conjugales : mieux protéger les victimes de leurs conjoints violents
par Vincent Kranen, le Mercredi 2 octobre 2019 à 17:22, mis à jour le Vendredi 12 février 2021 à 14:18

La proposition de loi du député Les Républicains Aurélien Pradié a été examinée et adoptée, mercredi, par la commission des Lois de l'Assemblée nationale. Bracelet anti-rapprochement, ordonnance de protection, téléphone grand danger, les députés ont cherché à combler les failles des dispositifs actuels de protection des victimes.

Depuis le début de l'année, ce sont 111 femmes en France qui ont perdu la vie, tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints. Un décompte glaçant, rappelé par le député Les Républicains Aurélien Pradié, porteur d'une proposition de loi visant à enrayer ce fléau français des "féminicides" qui pousse le gouvernement, comme les députés de la majorité et de l'opposition, à réagir.

Densifier la protection judiciaire

Pour essayer de mettre fin aux drames, le texte de loi met l'accent sur les ordonnances de protection à destination des victimes afin de faciliter leur obtention. L'article 1er précise notamment que l'absence de dépôt de plainte ne pourra plus être un motif de refus à sa délivrance. Les audiences judiciaires, relatives aux ordonnances de protection, seront à terme toujours tenues dans un cadre privé, et non plus public, comme la loi le prévoit aujourd'hui.

Véritable point noir dans la protection des personnes en danger, le délai nécessaire à l'activation d'une ordonnance de protection sera raccourci. En moyenne, celui-ci est aujourd'hui de plus de 42 jours à compter de la saisine du juge. Elle sera désormais ramenée à six jours. "Ce que nous voulons, c'est provoquer un double choc à l'égard des magistrats et un choc à l'égard de la population, défend Aurélien Pradié. Il faut que tous les magistrats de ce pays comprennent que désormais il y a une priorité entre les divorces et les ordonnances de protection, la priorité, c'est l'ordonnance de protection", prône le député Les Républicains.

Celui-ci met cependant la pression sur le gouvernement : le budget de la justice pour 2020 devra être à la hauteur de l'ambition du texte.

Enfin, les députés ont adopté un amendement mettant fin à une aberration des ordonnances de protection judiciaire. Celles-ci pouvaient omettre, par exemple, si le juge oubliait de le mentionner, de préciser que les conjoints violents avaient désormais interdiction "de détenir ou de porter une arme". Des oublis fâcheux, selon le rapporteur du texte, qui détaille que "30% des personnes aujourd'hui soupçonnées de violences, dans le cadre de l'ordonnance de protection, [sont] amenées à conserver leur arme". À l'avenir, les magistrats devront se prononcer sur chacune des catégories de l'ordonnance judiciaire concernant le domicile, l'exercice de l'autorité parentale, le port d'arme ou encore l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

La technologie au secours des femmes en danger

Mesure phare de la proposition de loi : l'élargissement de l'utilisation des bracelets électroniques anti-rapprochement à destination des ex-conjoints et conjoints violents. Un dispositif qui a fait ses preuves en Espagne et que les parlementaires veulent généraliser. Les députés ont néanmoins modifié l'article 2, qui prévoyait le port du dispositif à la seule demande de la victime, sans l'accord du conjoint violent. Un dispositif fragile constitutionnellement, craignaient les députés. Le texte a été amendé et prévoit désormais qu'en cas de refus du bracelet anti-éloignement, le juge des affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République. Pour les cas les plus graves, en procédure pénale, ce bracelet pourrait être imposé.

De même, les téléphones grand danger seront plus facilement accessibles. Plus besoin au préalable de s'adresser à une association.

Ce type d'appareil pourra également être attribué dans le cas où l'auteur des violences est en fuite, ou si une demande d'ordonnance de protection est en cours devant le juge aux affaires familiales. Deux cas de figure actuellement non pris en compte par la législation.

"La majorité apprend de ses erreurs"

Du fait de l'urgence à agir, et d'un calendrier parlementaire très chargé, cette proposition de loi portée par Aurélien Pradié sera soutenue et votée par la majorité. Le gouvernement a même engagé la procédure accélérée sur ce texte émanant de l'opposition. Une première depuis le début de cette législature, ce dont se félicite Aurélien Pradié :

Le texte voté par la commission arrivera dans l'hémicycle le 10 octobre, lors de la niche parlementaire des Républicains, qui ont prévu de la consacrer entièrement aux violences faites aux femmes, aux enfants et aux familles. Une bonne occasion pour le rapporteur, comme pour les députés LR, de rappeler que sur ces sujets comme sur l'immigration ou la sécurité, la droite parlementaire a des idées à faire valoir. "Un des derniers grands combats historiques contre les violences faites aux femmes, c'est celui de l'IVG porté par Simone Veil, avec en soutien très fort, Jacques Chirac", rappelle Aurélien Pradié.

Images : Rahabi Ka