Hôpitaux, retraites, malbouffe, cannabis : les points chauds du Budget de la Sécu pour 2020

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par Maxence Kagni, le Lundi 21 octobre 2019 à 11:48, mis à jour le Lundi 9 mars 2020 à 14:45

Les députés débutent mardi l'examen, en séance publique, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

Non-compensation des mesures gilets jaunes

Le débat, qui devrait avoir lieu dès mardi soir, s'annonce âpre. En commission des Affaires sociales, la semaine dernière, les députés ont voté contre une des mesures phares du PLFSS 2020 : la non-compensation financière de l'Etat à la Sécurité sociale des mesures d'urgences économiques et sociales.

En pleine crise des Gilets Jaunes, le gouvernement avait notamment décidé à la fin de l'année 2018 d'avancer au 1er janvier 2019 l'exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires. Il avait également choisi d'annuler la hausse de la CSG pour près de 4 millions de foyers de retraités.

Chiffrées à près de 3 milliards d'euros, ces mesures ont pour conséquence de creuser le déficit de la Sécurité sociale. Contrairement au principe imposé en 1994 par la loi Veil, qui voudrait que le coût de ces mesures soit pris en charge par le budget de l'Etat : c'est la non-compensation.

Une décision critiquée, en commission, par l'ensemble des groupes d'opposition.

"Les deux ou trois milliards qui ne seront pas rentrés (...) c'est autant d'argent en moins pour nos retraités", a ainsi déploré Philippe Vigier (Libertés et Territoires). Malgré un avis défavorable du rapporteur, l'opposition coalisée (aidée par quelques députés de la majorité) a voté contre la décision du gouvernement.

En séance, les ministres (qui ne sont pas présents en commission) devront convaincre les députés de la majorité d'adopter l'article 3 du projet de loi, qui contient la mesure, dans sa rédaction initiale. Ce qui, de source parlementaire, ne fait aucun doute.

La prime exceptionnelle de fin d'année reconduite

Autre mesure répondant à la crise des gilets jaunes, la prime exceptionnelle de fin d'année défiscalisée est reconduite dans le PLFSS 2020.

Elle est désormais conditionnée à la mise en oeuvre d'un accord d'intéressement. En commission, les députés ont souhaité supprimer cette condition pour les entreprises de moins de 11 salariés et pour les associations.

Quel financement pour l'hôpital public ?

"Je crois que vous allez devoir passer à la caisse", a d'ores et déjà prévenu le député communiste Pierre Dharréville. Le PLFSS 2020 fixe à 2,3% l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), c'est-à-dire l'objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville et d'hospitalisation.

Cela correspond à 4,2 milliards d'euros d'économies, notamment réalisées par les hôpitaux. Seulement, selon Pierre Dharréville, "l'hôpital n'est pas en mesure d'encaisser un nouveau choc du type de celui qui est inscrit dans ce PLFSS".

Face aux critiques du socialiste Boris Vallaud, le rapporteur général Olivier Véran (LaREM) a reconnu qu'il fallait "faire un geste sur l'hôpital considérant la tension qui existe aujourd'hui".

L'hôpital public brûle et vous regardez ailleurs !Boris Vallaud

De nombreux services d'urgences sont en grève dans tout le pays : l'examen de l'Ondam mais aussi celui de l'Ondam hospitalier (fixé à 2,1%) sera donc l'occasion d'une débat politique musclé sur l'état de l'hôpital public en France.

Les députés ont d'ailleurs adopté en commission un amendement du député La République en Marche Thomas Mesnier visant à revoir le modèle de financement des urgences. La réforme, qui introduit notamment un "financement à la qualité" et une "dotation populationnelle", doit entrer en vigueur en 2021.

L'examen du PLFSS sera également l'occasion d'évoquer le plan de rénovation des Ehpad, doté d'une enveloppe de 130 millions d'euros en 2020.

Lutte contre la "malbouffe" et taxes sur certains alcools

Richard Ramos veut "taxer la cochonnerie, pas la cochonnaille". La semaine dernière, le député MoDem a fait adopter en commission des Affaires sociales un amendement qui taxe "les produits de charcuterie contenant des additifs nitrés (nitrates, nitrites, sel nitrité, ndlr)".

Le montant de la taxe, qui s'élève à "0.10 centimes d'euros par kilogramme" vise à "dissuader le consommateur" car "la charcuterie industrielle est le seul produit alimentaire, avec le poisson salé à la mode cantonaise, classé comme cancérigène pour l’homme de niveau 1 par l'OMS".

Les députés ont adopté une autre "taxe comportementale" visant les "prémix" à base de vin. Imaginée par la députée LaREM Audrey Dufeu Schubert, elle vise à augmenter le prix des alcools de type "vinpops", comme les "rosé pamplemousse" ou "blanc pêche".

En séance publique, un amendement rédigé par l'élu MoDem Cyrille Isaac-Sibille proposera de taxer davantage les bières "dont le taux alcoométrique dépasse les 11% vol".

Cannabis thérapeutique

Les députés ont décidé en commission d'adopter l'amendement du rapporteur Olivier Véran qui "met en place, pour une durée de deux ans, une expérimentation [autorisant] l'usage médical du cannabis".

L'objectif de cette mesure, qui pourrait concerner 3.000 patients, est de "répondre au besoin immédiat des malades non soulagés par les thérapeutiques actuellement disponibles".

Un congé "proche aidant" indemnisé

"Huit à onze millions de personnes aident un proche en situation de dépendance", écrit le gouvernement dans l'exposé des motifs de l'article 45 du PLFSS. Ce dernier modifie le "congé de proche aidant", créé en 2016, afin que celui-ci soit "indemnisé".

Ce congé pourra donc donner droit à une allocation journalière "versée pendant une durée équivalente à 3 mois de travail sur l'ensemble de la carrière". Une personne seule pourrait ainsi toucher 52 euros par jour contre 43,52 euros pour une personne en couple.

Un amendement MoDem, adopté en commission, relève toutefois que "l'indemnisation telle que proposée par le gouvernement (...) est particulièrement restrictive, qu'il s'agisse de son montant mais également de sa durée".

Le versement des pensions alimentaires garanti

Le gouvernement crée un dispositif visant à prévenir les impayés de pension alimentaire.

On estime que 30% des pensions alimentaires ne sont pas payées ou payées de manière irrégulière.Exposé des motifs de l'article 48 du PLFSS.

Avec ce dispositif, elles seront versées par le parent débiteur à l'agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires. Cette dernière la reversera à l'autre parent.

Si la pension n'est pas versée, l'agence "engagera immédiatement une procédure de recouvrement de l'impayé". Si le parent qui n'a pas reçu la pension est un "parent isolé", il recevra "pour compenser ou limiter la perte de revenus" l'allocation de soutien familial, d'une valeur de 115,64 euros par enfant.

Ce dispositif, consensuel (très peu d'amendements ont été déposés afin de le modifier), sera ouvert à certains parents dès juin 2020 avant une généralisation à tous ceux qui en feront la demande dès janvier 2021.

Un pré-débat sur la réforme des retraites

Les débats s'annoncent, en revanche, très animés sur l'article 52 du projet de loi : celui-ci prévoit que les retraites dont le montant est inférieur à 2.000 euros bruts mensuels seront revalorisées "au niveau de l'inflation" en 2020.

Mais les autres retraites et prestations sociales ne seront revalorisées qu'à hauteur de 0,3%, c'est-à-dire à un niveau inférieur à l'inflation, qui devrait être de 1% en 2020. En clair, les personnes touchant les allocations familiales ou une retraite supérieure à 2.000 euros subiront une perte de pouvoir d'achat.

L'opposition de gauche devrait profiter des débats dans l'hémicycle pour critiquer la réforme à venir : "Vous préparez le terrain pour cette mauvaise réforme des retraites qui va nous être proposée dans quelques mois", a réagi le député communiste Pierre Dharréville.

En commission, les échanges sur ces dispositions ont été tendus entre le socialiste Boris Vallaud d'un côté, le rapporteur Olivier Véran et la présidente de la commission des Affaires sociales Brigitte Bourguignon de l'autre.

Un fonds d'indemnisation des victimes de pesticides

Le projet de loi crée un fonds de 53 millions d'euros par pour garantir une indemnisation des "personnes dont la maladie est liée à une exposition professionnelle aux pesticides" mais aussi celle des "enfants exposés pendant la période prénatale du fait de l'activité professionnelle de leurs parents".